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Tendre aspérule, doux vin de mai


Connaissez-vous l’aspérule odorante ou gaillet odorant (Asperula odorata ou Galium odoratum)? Toute plante qui joint à son nom le qualificatif odorant(e) mérite le privilège de se retrouver dans votre jardin. Si, de plus, elle possède de longues racines (au figuré) bien ancrées dans la tradition pour aromatiser le vin et embaumer la maison, sans compter une valeur horticole significative et quelques vertus thérapeutiques prônées depuis le Moyen-âge, l’adopter serait sans doute une brillante idée.

Lorsque je suis revenue au Québec après un séjour de plusieurs années aux États-Unis, elle faisait partie des plantes que je ne pouvais pas me résoudre à laisser derrière. Dès mon arrivée, je l’ai installée dans le premier espace ouvert de cette terre qui allait éventuellement devenir l’Armoire aux Herbes. Je la connaissais alors surtout sous son nom anglais, Sweet Woodruff, qui évoquait habilement un parfum sucré, une affinité avec les bois et une résistance légendaire. Certains herboristes du passé épelaient son nom anglais (Woodruff) avec une foule de doubles consonnes :
W O O D D E,
R O W F F E.
Les enfants aimaient clamer à haute voix chaque lettre en succession, créant  une petite comptine en rimes, qu’ils scandaient allègrement pour rythmer leurs jeux.

Quant à moi, je n’ai pas tardé à trouver à ma précieuse aspérule des coins rêvés pour se multiplier en toute quiétude, à l’ombre d’un peuplier faux-tremble, sous un beau marronnier d’Inde, etc.

Quelques années plus tard, je lui ai découvert une sœur encore plus efficace pour créer un couvre-sol persistent, dont je ne connais toujours pas la sous-espèce spécifique et que nous avons baptisée aspérule blanche pour la distinguer de l’aspérule odorante d’origine. Puis, nous avons apprivoisé l’aspérule bleue (asperula arvensis ou coerulea), aussi appelée aspérule des champs, absolument charmante, qui, malgré le fait qu’elle soit annuelle, se ressème abondamment et surgit chaque printemps religieusement, même si ce n’est pas toujours exactement là où on avait choisi qu’elle soit. La couleur céleste de ses innombrables fleurs se marie particulièrement bien avec l’orangé tendre de la petite calendule des champs. Éventuellement, de sa famille, nous avons aussi adopté le merveilleux gaillet jaune (Galium verum ou luteum), un grand champion des propriétés médicinales de la famille. Nous avons aussi choisi de désherber (abondamment) un espiègle et très rugueux cousin, le gaillet gratteron (Galium aparine), très attachant (lire accrochant) ayant les mêmes propriétés curatives, mais sans la capiteuse beauté des épis dorés du gaillet jaune qui s’avéra beaucoup plus facile à circoncire et à manipuler lors des récoltes.

Mais je me perds un peu… On le ferait à moins. Ces plantes font partie de la famille des rubiacées. Le genre galium compte environ 70 espèces, dont 10 cultivées, et le genre Asperula contient de 218 à 227 espèces, nombre qui varie étant donné que certaines espèces de Galium y sont parfois incluses.

Revenons à l’aspérule odorante, cette plante herbacée qu’on appelle parfois appelée Petit Muguet ou Reine-des-bois et plus rarement Thé suisse ou Belle-étoile. En Allemagne, dans la Forêt-Noire où la plante pousse abondamment, on l’appelle Waldmeister, maître de la forêt ou reine des bois.
Elle serait originaire d’Europe, d’Afrique du nord et/ou de Sibérie. Son feuillage est persistent. Ses feuilles lancéolées présentant des bords rugueux et ses stipules développées en feuilles forment des verticilles en roues ou étoiles de 5 à 8 branches. La plante est rhyzomateuse, ses racines sont grêles et traçantes et son port est tapissant. Ses toutes petites fleurs d’un blanc pur, très nombreuses, forment des corolles en entonnoir avec un limbe fendu en quatre segments rabattus, assemblées en corymbes au-dessus des feuilles. Un botaniste la décrit même comme «une voie lactée en miniature». La floraison de l’aspérule blanche commence en mai et disparaît en juin. L’aspérule bleue fleurit en juin et en juillet. L’aspérule odorante commence sa floraison fin juin, elle est superbe en juillet et elle peut se prolonger sur des plants matures pratiquement jusqu’aux gels. Chaque fleur devient un fruit à deux coques contenant une seule graine. Les graines ne sont pas très viables et difficiles à faire lever, à moins d’une longue stratification. Mieux vaut les semer dès qu’elles sont prêtes dans un substrat sableux ou sableux-graveleux. La meilleure façon de les multiplier demeure de les diviser… Intéressante mathématique végétale… Les divisions de plantes peuvent se faire immédiatement après le gros de la floraison, afin que les racines aient le temps de bien s’installer avant l’hiver. Elle aimera un sol frais et humide et, malgré sa préférence pour l’ombre, elle pourra s’adapter à pratiquement toutes les expositions. Pour autant qu’elle soit plantée dans un endroit qu’elle apprécie, l’aspérule s’étend sans le moindre soin. Elle défend bien son territoire. Pour ma plus grande joie, elle a persisté depuis le « dévergondage » de mes jardins, il y a maintenant plusieurs années. Malgré la réputation de la plante de n’embaumer que lorsqu’elle est séchée, et c’est sûrement le cas pour ses feuilles, les fleurs remplissent l’air d’un parfum suave qui ne passe pas inaperçu et m’attendrit à chaque fois que je passe devant. Je dirais même qu’il vient me chercher…

Pour les récoltes, on peut soit prendre les feuilles avant la floraison. Le séchage est alors assez délicat car les ces dernières peuvent noircir assez facilement. Je préfère récolter toute la sommité de cette plante quand ses fleurs s’ouvrent. Les feuilles sont alors moins aqueuses et le parfum, même séché, demeure plus insistent.

Depuis très longtemps, l’aspérule odorante accompagne les agriculteurs dans leur périple. On lui crédite de nombreux mérites, certains semblant un peu gonflés, comme lorsqu’on racontait que c'est dans cette plante que Louis XIV trouvait sa vitalité légendaire… Quand au roi de Pologne au XIIIème siècle, Stanislas Leczinsky, qui prenait tous les matins une tasse de thé d'aspérule, il assurait qui voulait l’entendre qu'il devait à cette divine plante sa santé des plus robustes. Avis aux amateurs de plantes-miracles… Au chapitre des croyances populaires, on a longtemps porté de l’aspérule séchée dans un petit sac de cuir, ce qui devait protéger du mal sous toutes ses formes, attirer l’abondance et conférer la victoire aux athlètes aussi bien qu’aux soldats.

En tous cas, la plante est très certainement aromatique dans toutes ses parties. Son feuillage coupé dégage une odeur de foin très forte, de miel et même d’amande. On en fait des sachets et on en ajoute dans les pots-pourris. Sa fleur est très parfumée en raison d'une concentration importante en coumarine, une substance naturelle organique aromatique. Son parfum, puissant mais toujours agréable, évoque la vanille et l’héliotrope. On en aromatise le linge dans les tiroirs. Avantage supplémentaire, il en éloigne les insectes, particulièrement les mites, à l’image de la lavande.

Dans un autre ordre d’idées, les racines des aspérules, comme celles de presque toutes les rubiacées, peuvent être utilisées pour teindre en rouge les lainages.
Son parfum en a fait aussi une plante aromatique autrefois très utilisée dans la préparation de boissons alcoolisées (bières, eau-de-vie etc).
L’aspérule sèche peut être ajoutée comme plante aromatique dans la préparation de desserts, conférant au plat un goût similaire à la vanille. À noter que l’aspérule est interdite en usage culinaire commercial en Allemagne depuis 1981…  

Dans l’émission Top Chef, un jeune cuisinier utilise de la glace au foin. D’après ce fin gastronome originaire du nord, un ingrédient original peut être utilisé à bon escient: le foin ! Ramassé à même la prairie puis séché pendant deux jours, ou acheté au rayon animalier de votre supermarché, le foin se cuisine facilement, dit-il. «Vous laissez infuser du foin dans de la crème tiède et vous mettez 18 heures au frigo. Avec cette crème, vous lancez ce que vous avez l’habitude de faire… de la chantilly au foin, une glace au foin, une crème fouettée au foin...» explique Florent Ladeyn. Mm… En France, quand on trouve dans le commerce des glaces au foin, ce sont des glaces à l'aspérule. Peut-être n’importe quel foin fait-il l’affaire, mais je préfère essayer avec de l’aspérule plutôt que du foin cet été.

Il existe peut-être un raccourci possible. Installez de l’aspérule dans vos champs de foin ou vos pâturages. L'aspérule odorante et certaines espèces voisines comme l'aspérule à l'esquinancie des terres calcaires, sont très aimées des bestiaux et surtout des chevaux. Elles parfument leur fourrage et auraient une heureuse influence sur la sécrétion lactée des ruminants. Non sans inconvénients: elles colorent en rouge les os des bêtes qui les broutent. L'aspérule odorante, absorbée en trop grande quantité, pourrait provoquer des hémorragies (qu'on observe aussi avec le mélilot), la coumarine ayant une action anticoagulante - que la médecine humaine a su mettre à profit, en particulier dans le traitement des phlébites. Ces accidents ne sont pas à craindre quand la plante est mélangée en proportion réduite avec les graminées et les légumineuses. Il est également possible de mélanger la plante au fourrage des vaches afin de donner un bon goût à leur lait.

Explorer toutes les vertus curatives de l’aspérule prendrait des pages et des pages. Aussi je résumerai en vous présentant ce qui me semble le plus important. Pour l’anecdote, il était jadis acquis que l’aspérule, prise en tisane «après avoir laissé infuser 30 à 50 gr par litre pendant au maximum 10 minutes pour éviter l’amertume», garantissait «un effet diurétique, sudorifique, calmant, antinévralgique, régulateur du grand sympathique, dissolvant et détergent, antiseptique des voies urinaires, tonique, astringent et digestif.»

Je crois que la meilleure façon de la prendre est en tisane assez légère, seule ou avec un peu de citron, de miel ou de stevia. Le soir, elle facilitera le sommeil et apaisera la tension et les palpitations nerveuses des anxieux, des enfants qui ne savent pas se poser, aux nerveux, aux personnes âgées. Mais son goût délicatement parfumé plaira aussi aux bien-portants. Consommée au printemps, elle débarrasse l'organisme de ses toxines. Elle peut se révéler très utile pour servir de tabac de remplacement pour une cure de désintoxication.

Bien entendu, on n’en engloutira pas de pleins saladiers: sa teneur en coumarine pourrait alors nous incommoder, de par ses propriétés anticoagulantes. La consommation d'aspérule doit être mesurée et ponctuelle et ne doit pas être utilisée en cas d'usage de médicament antiaggrégant comme la warafarine, les effets risquant de s'additionner.

Stimulante de la digestion et des fonctions hépatiques, elle combat les dyspepsies, les spasmes gastriques, prévient les lourdeurs et les ballonnements. L'aspérule est aussi un diurétique légèrement antiseptique. Dans les infections des voies urinaires, elle contrarie la prolifération des colibacilles. Elle soulage la plupart des maux de tête, surtout quand on l’allie avec des fleurs de lavande, du thym et du romarin.

En usage externe, la plante fraîche est adoucissante et vulnéraire. On l'appliquait autrefois écrasée sur les blessures, les abcès, les enflures douloureuses. En infusion avec des fleurs de centaurée bleuet, de camomille ou des feuilles de plantain, elle procure un bon collyre, utile dans les cas de blépharites et de conjonctivites.

Étonnamment, l'aspérule n'a pratiquement pas été étudiée en laboratoire. Ce manque de connaissances contraste avec l'usage répandu de la plante. On ne compte que 7 études sur la base de données pubmed qui toutes ont été réalisées avant les années 80 et ne portent pas sur les propriétés médicinales de la plante. En 1987, la Commission E Monographs. Galii odorati herba Waldmeisterkraut, tout en notant que l’efficacité de la plante n’est pas documentée scientifiquement, et derechef non recommandée, donc décrivait ainsi ses usages traditionnels :
«Sweet woodruff herb is used for prophylaxis and therapy of diseases and discomforts of the respiratory tract, gastrointestinal tract, liver and gallbladder, as well as the kidney and urinary tract, also for circulatory disorders, venous complaints, weak veins, hemorrhoids, as an anti-inflammatory and for dilation of the blood vessels. Furthermore, as sedative for sleep disorders, for inducing sleep, for spasms, abdominal discomforts, skin diseases, for wound treatment, as a diaphoretic, as a remedy for strengthening the nervous system and heart function, and for blood purification.» Je ne traduirai pas ceci puisque tous ces usages ont été précédemment listés.



Seigneur, donnez-nous,

La santé pour toujours,

De l’amour de temps en temps,

Du travail, pas trop souvent,

Du Maitrank, tout le temps...

En Lorraine et en Alsace, en Belgique ou en Allemagne, traditionnellement on fabrique du vin de mai (Maitranck) mais il serait originaire de Belgique, dans la région d'Arlon. Il s'agit d'une boisson originale et de saison très simple à réaliser. Ce type de vins réalisés par macération de fruits ou de fleurs était très répandu car il permettait de "sauver" des vins souvent trop acides. Les progrès de la vinification permettent aujourd'hui d'éviter ce type de problèmes. Le vin de mai est désormais une boisson plus confidentielle mais dont la tradition se perpétue néanmoins dans ses contrées d’origines. Pour la réaliser, on utilise généralement du vin blanc alsacien ou luxembourgeois, type rivaner ou riesling.
 Il y a à peu près autant de recettes de Maitrank que de familles arlonnaises. Servez frais et régalez-vous !

Une des nombreuses recettes traditionnelles:
- 1 bouteille de vin blanc de Moselle (75 cl)
- 5 à 7 g de feuilles d'aspérule soit une dizaine de tiges
- 45 g de sucre fin
- 1/4 de bâton de cannelle
- 7 cl de Cognac
- les 3/4 d'une orange non traitée
* Laver rapidement les feuilles d'aspérule et les sécher
* Faire macérer dans le vin les feuilles d'aspérule, le sucre, le Cognac, le bâton de cannelle et les 3/4 d'une orange non traitée coupée en fines rondelles.
* Remuer de temps en temps et 48 heures après, minimum (cela peut être quelques jours de plus), filtrer et mettre en bouteille bien hermétique.
* Servir frais

Autre recette de Maitrank
Laisser macérer 10 brins fleuris d’aspérule odorante durant 48h dans 1 litre de vin blanc type Rivaner, 100 gr de sucre, 1/2 orange non traitée en tranches et 2 tranches de citron (certains y mettent aussi un verre de Cognac). Attention, un trop grande consommation d’aspérule peut provoquer des maux de tête.

Vin de mai à boire en apéritif
Faire macérer pendant 15 jours dans un litre de bon bordeaux à 13°, 60 g. de sucre et 60 g. de fleurs d'aspérule.
Au bout de ce temps, filtrez et mettez en bouteilles.
Choisissez des bouteilles avec bouchon monté dans un entourage de fer, genre ancienne bouteille de limonade.
Le vin mousse comme du champagne.
Même recette mais remplacez le bordeaux par un bon vin blanc, vous aurez le "champagne du pauvre".
Attention: cela mousse vraiment beaucoup. En ouvrant la bouteille, on risque de perdre une partie du vin

Vin de mai facile
Temps de préparation: 5 minutes - 
Temps de cuisson: 0 minutes
Ingrédients (pour 1 bouteille): - 1 poignée (3 g environ) de fleurs d'aspérules odorantes (au début de la floraison) 
- 75 cl de vin blanc 
- 75 g de sucre
Préparation de la recette: Faire infuser tous les ingrédients pendant 30 jours. Pendant ce mois de macération, remuer la préparation de temps en temps.

 Filtrer et mettre dans des bouteilles bien fermées. Servir bien frais.

Vin de mai à l’aspérule
Préparation: 60 minutes Cuisson: 30 minutes - 
 Pour 10 personnes
Ingrédients
2 litres de vin blanc sec  - 200g de sucre
 - 100g de fleurs d'aspérule - 1/2 verre de Calvados
Préparation
Pour pouvoir faire cette recette, il faut avoir dans son jardin une surface de 50 cm x 50 cm couverte par de l'aspérule. Quand la plante est en fleur récolter toutes les sommités fleuries et les mettre à sécher deux heures.
Mettre ces fleurs dans un grand saladier et verser dessus le vin bouillant, laisser infuser une demi heure. Ensuite ajouter le sucre et le calvados, laisser reposer encore 1/4 d'heure. Filtrer et mettre en bouteille et conserver au frais. Consommer après deux mois, le vin peut être devenu mousseux.

Vin de mai aromatisé aux fraises
Ingrédients
1/2 tasse de feuilles séchées d’aspérule odorante biologique - 1 bouteille de vin Riesling - 1 bouteille de Sekt (un vin allemand effervescent) ou de champagne - 3/4 de tasse de fraises bio hachées - Une bonne pincée de fleurs d’aspérule comme garniture
Infusez les feuilles d’aspérule séchée dans le Riesling  pendant environ une heure. Vous pouvez utiliser la plante fraîche, mais la saveur et l’arôme seront plus intenses avec la plante séchée. On suggère parfois d’infuser la plante toute une nuit, mais si vous n’êtes pas familier avec le goût de l’aspérule, mieux vaut y aller plus lentement. Pour ma part, une heure a suffi.
Après l’infusion, filtrer le vin. Mettez-le dans une grande cruche de verre. Ajoutez lentement votre vin effervescent ou champagne. Des bulles vont immédiatement se former, alors versez lentement. Ajoutez les fraises et déposez les fleurs d’aspérule sur le dessus. Et voilà. Le tour est joué. Vous avez créé un vin délicieux, délicat et parfumé qui embellira votre célébration du mai.
Les recettes suggèrent souvent d’ajouter du sucre. Pas vraiment nécessaire! Et plus santé sans lui!

Le choix du silence



Ce n’est pas la première fois (ni sans doute la dernière) où j’ai envie d’écrire sur le silence. C’est un thème qui résonne toujours très puissamment dans mon cœur. J’en connais bien l’urgence quand on fait du travail de guérison, la nécessité quotidienne devant l’agitation de notre monde moderne, la guidance toujours fiable quand la conscience devient éventuellement la seule option viable.
De nos jours, le silence est devenu un choix. Autrefois, le quotidien en était habilement tressé. La mécanisation et l’informatisation l’ont relégué aux oubliettes. On peut très bien vivre toute sa vie en le fuyant, en le haïssant, en le craignant, en le reniant. Mais il nous rattrapera sans doute un de ces jours et si on ne l’a pas amadoué, il risque d’être lourd et oppressant, habité par l’écho persistant de nos pensées trop longtemps refoulées.
Je repense à mon père, cet homme angoissé, héros de guerre, mal adapté à sa propre vie, qui ne pouvait dormir sans que la radio ronronne sur sa table de chevet. Dans nos chambres d’enfants, mes sœurs et moi nous mettions la tête sous l’oreiller pour ne pas entendre les sempiternels talk-shows (émissions-débat) qui le protégeaient du silence entre ses moments d’assoupissement…
J’ai vu dernièrement une publicité pour un oreiller équipé de sorte qu’on puisse écouter de la musique toute la nuit. On en faisait l’éloge pour étouffer la musique (%$% ?&&*) dont les adolescents ne savent plus se passer même la nuit, afin que le reste de la maisonnée n’en soit pas incommodé.
Je me remémore aussi le berceau d’un enfant malade que j’étais allée visiter au village. On l’avait installé entre le téléviseur, allumé toute la journée, et la cuisine d’où la maman pouvait superviser son poupon tout en écoutant ses émissions préférées. Le pauvre bébé n’en pouvait plus d’être ainsi bombardé de sons et de vibrations. Il regrettait sûrement la quiétude rythmique du ventre de sa mère… Son immunité était sans cesse sollicitée pour parer aux dommages encourus. La maman n’y avait jamais pensé, ni personne dans son entourage.
Mais où donc est passé le silence? « Le silence est d'or et l'argent est rare ! » (Anonyme) Aux nouvelles cette semaine, le manque de silence faisait les manchettes. On constatait que le silence n’a plus sa place dans notre société, si ce n’est qu’à l’église (que bien peu de gens fréquentent de nos jours) et dans les grandes bibliothèques (qui se voient de plus en plus remplacées par les bibliothèques virtuelles et les outils de recherche du web). On annonçait qu’il y aurait bientôt des wagons dans les trains de banlieue où le silence serait péremptoire afin que les personnes le souhaitant puissent, lors de leurs déplacements, profiter d’un peu de paix et être libéré des conversations bruyantes (in vivo ou par téléphone portable).
Pourtant, le silence demeure un invité de marque. On le considère toujours, la fameuse minute de silence à l’appui, comme un honneur rendu aux disparus de notoriété, comme une attention accordée à l’envers des choses, à l’invisible. Le silence invite l’écoute, témoigne de la réceptivité. Je me tais, et donc, je suis là pour toi, pour Moi.
Oh, je sais! Le silence intérieur est une grâce, un présent rarissime. En pensant au silence, en disant le silence, déjà, je le romps. Je l’interromps. Le silence des bruits quotidiens n'est pas encore le silence. La vraie musique nous aide à nous rassembler, mais elle n’est pas le silence. Elle comprend des silences, sans lesquels elle ne respire pas.
« Chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr. » (Paul Valéry) La fleur est silence. De fait, il existe un moment ineffable de silence entre la fleur et la semence. Un moment où du silence de soi vient à la fleur la réalisation de la nécessité d’interrompre son mouvement d’extase et d’offrande, sa dissolution dans le cosmos, pour assurer la survie des générations suivantes. Dans ce silence tient toute la vérité de la conscience de l’essence même de la fleur.
Le pseudo silence que nous connaissons est bruissant de paroles intérieures, car nous nous parlons constamment à nous-même. Il est pratiquement impossible de cesser de penser: nous cogitons toujours, consciemment ou inconsciemment. Puisqu’on n’arrive pas à arrêter le pensoir, on peut au moins profiter de ralentissements reposants. On peut se concentrer, quoiqu’il y a toute une différence entre se concentrer et faire silence. On peut tamiser les agitations intellectuelles inutiles. La quête même du silence crée de l'ordre dans les pensées
.
On connaît si peu et si mal le silence. Nos maisons sont bruyantes: ventilateurs, humidificateurs, déshumidificateurs, frigos, balayeuses, minuteries, craquements et ajustements. Nos animaux domestiques sont bruyants. Les enfants sont bruyants. On aspire au silence et pourtant, on ne l’installe pas quand l’opportunité se présente. Quand on fait des travaux manuels répétitifs, incitant au silence, et on en fait beaucoup dans notre métier d'herboristes (désherbage, semis, ébranchage, nettoyage des semences, etc.), on a souvent tendance à trouver cela long et un peu ennuyeux. On se distrait alors en écoutant un  livre audio, de la musique, en jasant, etc. On dit alors que le temps passe plus vite. Mm…
Est-ce dire que le temps octroyé au silence passe plus lentement? Intéressant… Surtout pour une société qui affirme haut et fort manquer de temps, ne pas avoir de temps, etc. En silence, on voit le temps passer… On s'en rapproche. On l'observe autrement. 
La terre est bruyante, en tous cas ses éléments le sont: grenouilles amoureuses, cigales éperdues, grands vents, vagues de l'océan se brisant sur la grève, chants d'oiseaux dès le lever du jour, etc. « Le silence de la montagne est encore plus beau lorsque les oiseaux se sont tus. » (Taisen Deshimaru)
On parle souvent du silence de la nuit, mais les bruits sont encore plus percutants la nuit: les coyotes qui s’esclaffent, les hululements des chouettes, les jappements des chiens gardiens, les battements d’ailes des chauve-souris, etc.
On parle aussi du silence de l’hiver, quand le froid recommence à sceller les urgences, à rappeler les priorités, à inverser le mouvement dissipé. Si la pluie de l’automne crépite, l’hiver, la neige qui tombe le fait sans bruit, sauf quand la bise la fait gicler sur les fenêtres. La vie, quand elle ralentit, se tait et se remplit d’intentions.  C’est quand on souffre d’une panne d’électricité qu’on découvre ce que peut être le silence de notre environnement immédiat. Tout à coup, tout s’apaise et l’on vibre différemment. Tout se révèle. « Le silence est l'âme des choses. » (Proverbe français) 
            
Le silence n'est pas un inconfort. La vie intense jaillit grâce au silence. La santé est composée de silence. « La santé, c'est le silence des organes. » (Paul Valéry)
            
À l'adolescence, on n'aime pas le silence car tous nos débordements émotifs menacent de nous envahir si on leur offre une page blanche. Alors on parle aussi souvent et aussi longtemps que possible avec nos amis. Le silence est presque considéré comme un faux pas ou un faux fuyant. Et qu'est-ce qu'on fuit sinon ce qui nous habite et nous effraie?
            
Le vieillard a besoin du silence. Il n’en a plus peur. Il y a un temps pour toute chose, et il accède au temps où les distractions elles-mêmes deviennent sans intérêt. Seul le silence compte vraiment. Ce n’est que dans le silence qu’on peut se souvenir et les souvenirs préparent la métamorphose imminente. Les synthèses s’opèrent seulement dans le silence. La perte d’acuité des sens rétablit le silence.
            
« Le silence était si absolu que je me croyais sourd. » (Jules Renard) Je me demande bien où il a pu trouver un tel silence et quel âge il avait? « Le silence ne se cache pas dans les monastères », disait le frère Bruno-Marie de l’abbaye cistercienne d'Oka, (émission Enjeux consacrée au silence, 2003). « De plus en plus de gens cherchent le silence, mais si vous venez dans le silence avec vos bibittes, le silence les amplifiera. Chaque retraitant se retrouve inévitablement face à lui-même. Le silence n'est pas le remède miracle à tous les problèmes et n'amène pas nécessairement la guérison. Il peut même agir comme un amplificateur… »
            
Pour ma part, en vieillissant, je fais de plus en plus souvent le choix du silence. Je me souviens d'un temps où il m’était difficile de lui dédier fût-ce de courtes plages de temps pour respirer, pour méditer. Dans le brouhaha de ma vie animée et débordante d’attentes, il se faisait désirer. J’aime de plus en plus le silence. J’aspire à le comprendre, à le connaître vraiment. J’intuitionne qu’il renferme tout un monde, qu’il est la clé de l’intégrité. De quoi sera fait le silence dans la chapelle ardente de mon demain? « Le luxe de demain sera la lenteur dans le silence. » (Anonyme) Dans le silence, on commence à développer en soi une porosité à la Présence. Cette ouverture de tout l’être nous rend perméable à l’essentiel. Nos sens deviennent alors des antennes, les antennes du vivant et non plus des tentacules tentant de tirer le monde à nous pour le posséder.
            
Le silence ne fait plus peur à qui cultive la conscience de la parfaite imperfection de son vécu. Du silence jaillit la vie, la créativité, la vérité… de Soi. Plus le Moi croît, plus le moi décroît et plus le silence devient vivifiant et vaste. Qui vit dans le silence? La conscience. La vraie. Dans le silence s’éveillent les vraies questions, s’ébauchent les vraies réponses. Toute action, toute parole qui en vaut la peine fait suite à un silence. Et un silence accompagne et suit l’essentiel. « Dès que nous avons vraiment quelque chose à nous dire, nous sommes obligés de nous taire »  disait Maeterlinck. Et encore: « Les âmes se pèsent dans le silence, comme l’or et l’argent se pèsent dans l’eau pure, et les paroles que nous prononçons n’ont de sens que grâce au silence où elles baignent. » Le silence a besoin d’un tout petit peu d’espace, de l’espace entre nos pensées, entre nos paroles, entre nos effervescences.
            
Les grands sages d’autrefois connaissaient bien la valeur du silence. Je sais que je vous ai déjà partagé ce qui suit, mais ça me semble si important. Pythagore, comme bien d’autres maîtres-penseurs, exigeait de ses disciples cinq années de silence; on appelait cette étape le stade acousmatique. Vous rendez-vous compte! Cinq ans! Alors que nous avons du mal à faire silence, vraiment silence, ce que certains appellent la méditation, quinze minutes par jour. Ce silence n’était pas considéré comme une torture mais comme une grâce, un cadeau extraordinaire à se faire dans une vie. Et il était essentiel pour apprendre les rudiments de l’écoute. L’écoute du dehors comme l’écoute du dedans. Celle qui fait qu’on entend éventuellement ses vrais besoins, ceux qui se sont vus enfouir sous des tonnes de scories émotionnelles et mentales.
- Lorsqu’on souhaite trouver son chemin, il faut faire silence.
« Le silence permet de trouver son destin. » (Lao-Tseu)
- Lorsqu’on souhaite accomplir des merveilles, il faut faire silence.  
« Le silence est l’élément dans lequel se façonnent les grandes choses. » (Thomas Carlyle) 
- Lorsqu’on souhaite la paix dans le monde, il faut faire silence.
« Le silence est la route de la paix. » (Maurice Robert Lalonde) Et encore: « L'arbre du silence porte les fruits de la paix. » (Proverbe arabe)
- Lorsqu’on veut faire sa part pour la Vie, il faut faire silence.
« Plus l'âme a reçu dans le silence, plus elle donne dans l'action. » (Ernest Hello)
Oui, on a beaucoup écrit sur le silence. On a beaucoup dit le silence. Mais l’a-t-on fait ? Le faisons-nous ? Le ferons-nous ? C’est un choix qu’on a…
Danièle Laberge, herboriste traditionnelle



La découverte, du mystère à l’évidence!

Quand on a consacré la meilleure partie de sa vie à enseigner et à écrire, c'est clair qu'on est de ceux-là qui, par nature, sont avides de partager leurs trésors et d'instiller le désir de l'exploration. « Les plus belles découvertes cesseraient de me plaire si je devais les garder pour moi. » (Sénèque)

Toute découverte compte pour qui la fait sienne. Aussi banale soit-elle aux yeux des autres, elle constitue un point fort, une révélation. Au moment où elle se révèle, elle est toujours vibrante, colorée, allumée et riche de promesses. Mais au fond, ce qui importe, ce n'est pas tant ce que l'on découvre mais qu'on le découvre et la conscience du fait.

« Découvrir consiste à voir comme tout le monde et à réfléchir comme personne. » (Albert Szent-Györgyi)

Vous savez sans doute qu'on appelle la découverte toute partie exposée de la roche mère. Exposée aux éléments, exposée aux regards, exposée et donc vulnérable, dénudée, révélée. On peut très bien découvrir ce qui est à découvert et ce n'est pas nécessairement plus facile que de découvrir ce qui est bien caché. Le visible est trop souvent méconnu ou alors si familier qu'on n'y voit plus rien à décoder. On peut aussi découvrir ce qui est profondément caché, et ce, d'abord et avant tout, en soi-même. Parfois les découvertes de ce genre, demeurées un mystère pour nous jusque là, étaient depuis belle lurette des évidences pour notre entourage. Illusion, quand tu nous tiens!

Toute découverte mérite d'être valorisée. Personne ne peut juger de l'importance d'une découverte. Une découverte en apparence anodine peut transformer une personne, lui procurer une raison de vivre, l’amener vers une guérison, la forcer à l'intégrité, etc.

La simple redécouverte de la merveille que constitue l'instant présent pourrait transformer considérablement toute notre humanité.

La découverte… Comment écrire sur un sujet qui doit par nature se vivre et non se dire? Quand on peut finalement dire la découverte, c'est qu'on en a déjà opéré la synthèse, qu'on se l'est intégrée. L'élément de la surprise s'en est retiré. Reste à espérer que l'émerveillement ait toutefois été préservé car une découverte ne peut demeurer une découverte que si on y greffe sans cesse de nouvelles observations, menant à de nouvelles découvertes. Au fond, la découverte n'est pas un élément isolé, mais un parcours qu'on emprunte où une lueur de compréhension conduit à la suivante, et ainsi de suite… jusqu'à… la St-Glin-Glin?... C'est comme pour la pensée vivante...

Dans la vie, tout est toujours nouveau car toujours changeant. L'acceptation de la mutabilité des choses et l'interrogation humble sont toutes deux à l'origine de la découverte. S'assoir sur ses connaissances, croire qu'on sait, mettre un point final à quelque apprentissage que ce soit en croyant être arrivé, voici des états d'âme qui font avorter prématurément l’art de la recherche. Petit savoir, grande arrogance…

Le mystère se doit de demeurer toujours  vivant, laissant à chacun la chance de découvrir ses vérités et de les habiller de sa propre interprétation. La confirmation, hélas, devient souvent l'infirmation. On a prouvé? Qu’à cela ne tienne, on ferme la boucle. Plus besoin de questionner. N’est-ce pas là la définition même de la vraie paresse, de l'ultime faiblesse? 
« La démonstration, loin d'être le noyau de la découverte, n'est souvent que le moyen de s'assurer que notre esprit ne nous joue pas des tours. » (Gian Carlo Rota)

Il existe toutes sortes de découvertes. On peut découvrir ce qu'on ne savait pas ou redécouvrir ce qu'on avait oublié ou encore faire la lumière sur ce qu'on ne savait pas qu'on savait déjà. On peut aussi, et c'est plus rare, découvrir ce que personne ne savait. La curiosité comme la faculté d'émerveillement sont des vecteurs de recherche et, éventuellement, de belles découvertes.

L'histoire de l'humanité, c'est l'histoire des découvertes qu’elle fit de son environnement interne comme externe. À chaque découverte, une autre page se tourne dans cette histoire « personnelle » qui n'est nôtre que l'instant d'un rappel et qui profite ensuite à l'humanité toute entière. Ainsi va la vie de l'âme consacrée. Nous concourrons tous à la globalité des découvertes de notre humanité, là où le véritable travail s'accomplit, en soi. Nous participons ainsi à l'élargissement de la conscience, à l'étirement sans déchirement de notre être. « Les vérités importantes, sans en excepter une, ont été le résultat d’efforts isolés — nulle n’a été découverte par la masse des gens et on peut bien supposer qu’aucune ne le sera jamais — toutes viennent du savoir, joint à la réflexion d’esprits hautement doués : les grands fleuves sortent de sources solitaires. » (Stéphane Mallarmé)

Le changement est l'ordre naturel des choses et on n'en retire pas les bienfaits quand on le résiste. Chaque changement accepté ouvre la possibilité de découvrir quelque chose de neuf. Nous vivons dans un temps d'énormes chamboulements à l'échelle globale et de plus en plus d'entre nous voient leur vie personnelle aussi bien que leur vie intérieure se transformer rapidement. C'est la nature fondamentale du monde dans lequel nous vivons. Nous apprenons à nous mouvoir avec grâce devant ces changements en rafales. Chaque changement nous apporte une opportunité inestimable de croissance.

Toute découverte est liée au souffle, à l'inspiration du renouveau, du nouvellement déchiffré et accueilli. Il nous faut retrouver ce souffle libéré, celui qui fait qu'on ne retient aucunement le passage de l'expérience, qu'on s'ouvre à elle sans limites, sans crispation, sans le moindre attachement. Les visions et les états d'âme sont vite remplacés par d'autres. Ce n'est pas leur manquer de respect que de les accueillir et de les laisser partir sans même le temps de l'apprivoisement ou de l'analyse. Tout est synthèse et la synthèse actuelle est rapide et bouillonnante pour ne pas dire fulgurante.

La découverte déchire nos rigidités et nos cachettes. Nous libérant des carcans si vite durcis autour de notre paradigme, elle nous étonne et nous désarme. Elle nous met des larmes aux yeux, de ces larmes bienfaisantes qui indiquent la rupture des barrages, qui ont pour rôle de nous attendrir et d'éveiller le giron de la compassion. Dans cet espace de bienveillance, on s'accompagne dans l'autonomie, en conscience de sa propre science, unie à celle de l'Esprit qui nous guide à sa façon, en nous laissant les rênes.

On respire, on se détend et on sait avec une infinie confiance que tout va et que tout ira bien. Que les découvertes ne nous menacent pas même si elles nous transforment profondément.  On reprend la vie quotidienne jusqu'à la prochaine révélation, jusqu'au prochain brassage. Et il viendra, inévitablement. Il montera des profondeurs de soi. Il nous révèlera un autre angle qui requiert une fois de plus nos bons soins et nos bénédictions, qui demande à nous toucher et à être touché par nous en cette vie. La découverte intime est essentielle à notre liberté. Expertement, elle prépare et répare, guérit et dégage, ennoblit et transmute un fruit du passé qui, dans l’épurement de la nouvelle synthèse qu'elle provoque, révèle la semence de demain.

Quand j'ai découvert qu'après un terrible gel tardif ayant noirci toutes leurs nouvelles feuilles, les arbres avaient la capacité de produire une deuxième pousse de feuilles en puisant dans leurs réserves, j'ai compris beaucoup de choses sur l'extraordinaire capacité de régénération, d'adaptation et d'acclimatation de la vie. Et j'ai cessé de trembler pour ce que les intempéries saisonnières décimaient. J'ai aussi cessé de croire que chaque grande épreuve risquait de me terrasser et de mettre fin à mon périple. Moi aussi, j'étais équipée pour renaître de mes cendres, si telle était ma destinée. J'ai compris avec mon cœur bien davantage qu'avec mon intellect. « Les vérités découvertes par l'intelligence demeurent stériles. Le cœur est seul capable de féconder ses rêves. » (Anatole France)

Je pense à Goethe et à l'extraordinaire découverte qu'il fit de la métamorphose des plantes. Et pourtant, malgré l'immense validité de sa réflexion, très peu de gens au fond ont trouvé cela vraiment intéressant, valable et innovateur. C'était presque trop simple. Il mettait en mots et en images ce qui, fruit de lois naturelles, ne pouvait que changer le regard de l'homme mais pas l'ordre des choses.  « Plus une découverte est originale, plus elle semble évidente par la suite. » (Arthur Koestler) Et pourtant, ce qu'il en avait fallu des jours et des années d'observation, d'attention, de recherche ininterrompue, de dévotion au règne végétal pour que l'essence subtile presqu'imperceptible de sa nature se révèle à Goethe. En bon scientifique, en grand auteur, il a sciemment partagé sa vision mais le plaisir de la découverte fut au fond sa seule récompense. Encore maintenant, son traité ne fait pas très docte. Il revêt la simplicité de la véritable découverte. Ah! Tous ces secrets de la nature qui se déploient sans cesse devant nos yeux sans que nous y portions le respect requis pour y dévoiler cette vérité dont on sait pertinemment qu’elle n’est pas le contraire du mensonge mais bien la simple découverte de l'inconnu.

L’objectif demeure de créer en nous et autour de nous un lieu vibrant de découverte de la vie. Quand on aime passionnément la nature, des surprises nous attendent à chaque détour de nos promenades. L’amour qu’on porte au végétal lui intime qu’il peut se découvrir devant nous et nous offrir de voir ce qui se vit derrière les formes, ce qui s’active au-delà des apparences, au pays des merveilles. Ce qu’on découvre existait déjà. On ne l’a pas créé pas parce qu’on en est devenu conscient. Mais c’est tout comme. On s’est éveillé à sa vérité et notre paradigme s’en trouve du coup enrichi et ennobli à jamais. On devient un avec ce que l’on découvre. L’illusion de séparation s’efface et notre cœur s’étire pour accommoder une révélation, une illumination de plus. Que c’est extraordinaire!

Peut-être est-ce là une vision des choses un peu trop utopique, en tout cas bien optimiste. Et pourquoi pas?
« Aucun pessimiste n’a jamais découvert le secret des étoiles, navigué jusqu’à des terres inconnues, ou ouvert un nouveau chemin pour l’esprit humain. » (Helen Keller)

Allez, bonnes découvertes!

Danièle Laberge, herboriste traditionnelle



L’air frais de la nuit me fera du bien. Je suis une fleur !*

Inspiration florale
par Danièle Laberge, herboriste traditionnelle

Petit matin de mai. Petit matin de bonheur. La super lune a fait des siennes et les concerts de grenouilles se sont fait insistants pour ne pas dire assourdissants. Ce grand spectacle sons et lumière a, pour une deuxième nuit, allégé passablement mon sommeil. J’ai vu arriver et s’installer le gel mordant, blanchissant instantanément le vert tendre du renouveau printanier qui, heureusement, en a vu d’autres, cette saison. Je me sens en harmonie avec la vie dans son ensemble, avec la mienne en particulier. Je ne résiste plus autant qu’autrefois à l’imprévu qui se présente.

Je sais que les fleurs qui parsèment les alentours de ma demeure trouvent, tout comme moi, leur chemin parmi les méandres et les aléas du temps. Elles ont courbé la tête sous la neige tardive, se sont vues secouées par les grands vents du changement et ont dégouliné sous les pluies ruisselantes. Miraculeusement, elles sont encore et toujours radieuses quoiqu’un brin malmenées ; des survivantes, des forces tendres. Elles nous rappellent qu’épreuve et grâce sont deux volets de la même vérité. Partout où se manifeste la lumière surgit le monde antagoniste.

La fleur n’apparaît pas sans fondements. Rien ne fleurit sans une assise nourricière profonde. D’ailleurs, le printemps serait davantage la saison des racines que la saison des fleurs. C’est de la vie intérieure du sol que montent les effluves de la terre qui dégourdissent les graines et, par la suite, les parfums frais des fleurs. C’est dans la terre froide et dans le réveil graduel des éléments qu’elles ont tiré leur substance et leurs couleurs étincelantes, écrites dans leurs bulbes ou dans leurs racines vivaces. Elles sont une victoire, une résurrection, un rappel de la robustesse de la création. Elles se protègent, tapies tout contre le sol et buvant la lumière pour s’en parer comme autant de joyaux échappés. Tout comme nous, elles ont dit oui à ce qui est, à ce qu’elles ont expérimenté comme la mort, et maintenant, elles réalisent que la mort est vie.

À leur contact, je rencontre une espérance renouvelée devant la montagne des crises planétaires additionnées et je me dépoussière. Toute vie vouée à l’essentiel débouche éventuellement sur un accueil total du monde, permettant à l’individu de discerner l’orientation de toute vie en recherche active d’une action vivante et agissante. Les floraisons hâtives, ces indicibles merveilles, expriment la vie en abondance et l’unification intérieure au cœur des turbulences quotidiennes. Elles sont des témoins persistants. « Les témoins ne meurent jamais. Une fois qu’ils ont témoigné, leur témoignage reste. » (Christian Delorme)

Ainsi, les fleurs de mai, encore inconscientes des dons innés qu’elles pourraient partager avec le monde, s’abreuvent intensément aux forces de vie, s’incluent leurs résonances, bougent avec le mouvement profond de toute cette vie intérieure qui se réapproprie la matière malléable.

Vois, ô toi mon œil,
Du soleil les purs rayons,
Issus des êtres de forme de la terre.
Vois, ô toi mon cœur,
Du soleil les puissances d’esprit,
Issues des battements ondoyants de l’eau.
Vois, ô toi mon âme,
Du soleil le vouloir des mondes,
Issu de l’éclat scintillant de l’air.
Vois, ô toi mon esprit,
Du soleil l’être des cieux,
Issu des flots d’amour du feu.
(Rudolf Steiner)

Plus tard en saison, les fleurs se feront plus nombreuses, plus éphémères, plus éthérées et plus fragiles. Elles couronneront à profusion des plantes qui les auront hissées au plus haut de leur être. Dès l’heure où la lumière les dégagera de la nuit, elles s’éclateront et se hâteront de passer, vite remplacées par d’autres, dans un effort grandiose et fulgurant d’assurer la prochaine génération en laissant libre jeu aux semences blotties dans leur cœur, en puissance de devenir.

C’est une osmose bien fugitive qu’on peut goûter avec la nature et pourtant de profondes amitiés s’y forgent au fil des ans. Des liens se créent et se recréent entre les règnes. Tout ce qui vit espère devenir un minuscule point de lumière et d’espoir pour l’avenir, une semence qui, humblement, demeurant fidèlement ancrée à son origine, perdurera en dépit des innombrables préoccupations de l’heure.

À l’instar de cette frénésie, quand vient l’automne, malgré les grands gels, les dernières fleurs durent des jours et des jours, sans autre horizon que ce moment de grâce, sans poursuivre de fins, en plénitude et sans désespérance. Elles accueillent la lumière d’or cuivré et la persévérance opère savamment sa magie. Elles ne portent plus l’urgence de la procréation, assurée par d’autres, plus jeunes, plus tôt dans le temps. Elles sont maintenant libres de continuer un travail plus vaste, celui de refléter le lointain, de laisser l’amour aimer à travers elles. Elles s’accordent harmonieusement à elles-mêmes au niveau cellulaire, par expérience, et au plan cosmique, par transmission.

Elles voient s’opérer un véritable retournement alors que le dehors se rétracte et se retire au dedans. Elles observent leur règne qui s’enténèbre et s’illumine à la fois, se transfigurant sous la flamme venue d’ailleurs. La flamme dans le buisson ardent…

Elles se livrent sans retenue, entrainées dans une belle aventure où, comme l’exprima si bien Virgile, « L’esprit pénètre tout de sa flamme féconde et s’infiltre invisible au vaste corps du monde. » Elles vivent maintenant des moments mémorables, tout au bonheur d’une mission accomplie. Elles s’épanouissent dans la paisible sagesse.

On leur jette un regard ému, compatissant, reconnaissant de cet ultime espace vivant de beauté, favorable au recueillement et à la contemplation. Les dernières fleurs font disparaître l’indifférence des regards qui tout à coup, après la fièvre active de l’été, prennent le temps et s’attardent sur ce qui, bientôt, va s’éteindre. Elles provoquent la réflexion par l’expression même de leur précarité et de leur neutralité bienveillante. Elles sont plus grandes que nature, une sorte de caricature amplifiée de la réalité, un appel si puissant qu’il nous libère de l’intarissable besoin de penser. Elles sont à la fois un adieu et un accueil, dans un aspect mystérieux de la destinée. Elles sont libres. « Pas libre de… libre pour… » (Abbé Pierre)

L’âme humaine chemine à travers ses propres métamorphoses tout comme la nature à travers les cycles de ses saisons. Elle s’en inspire et s’y reconnaît, toutes différences confondues. C’est la fleur qui exprime le mieux, le plus richement, cette différence : elle est l’expression authentique de l’essence unique de chaque plante. Elle ouvre aussi toute grande la porte à la maturité, celle qui, ayant porté fruits, essaimera dans l’invisible.

Quand la plante produit ses fleurs, elle plonge en quelque sorte dans un élément apparenté à l’âme. « Le fait qu’elle se colore en est l’indication. Les couleurs sont l’âme de la nature et de tout le cosmos, - en les ressentant, nous communions avec cette âme. » Ainsi s’exprime Rudolf Steiner.

« De toutes les parties du végétal, les fleurs sont celles qui touchent le plus directement notre âme et y éveillent le plus d’intérêt. Il nous semble qu’elles ont quelque chose d’apparenté à nous… Ainsi la plante qui fleurit se trouve élevée d’un degré sur l’échelle naturelle des règnes et se révèle aussi comme étant le royaume intériorisé de la lumière…Toute corolle est un mystère manifesté. » (La plante, une approche de sa vraie nature, G. Grohmann)

Pour terminer cette courte méditation sur la nature subtile de la fleur, je voudrais vous proposer de questionner avec moi une petite phrase intrigante, à la fois simple et complexe, que je viens de retrouver dans un bouquin aimé que je relis depuis des lustres.
« Le mystère de la transformation commence avec la dissolution de ce qui est condensé, avec le sacrifice de ce qui est maintenu. » (Le printemps, Walter Cloos, chapitre d’un compendium de l’approche goethéenne datant de 1992 intitulé La rose et la passiflore, aux éditions Rose et Passiflore)


* Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry



Ce cœur qui perçoit ce que l’œil ne voit pas

par Danièle Laberge,
Herboriste traditionnelle


« Écoute ton cœur. Il connaît toute chose, parce qu’il vient de l’Âme du Monde, et qu’un jour il y retournera.  » (Paulo Coelho)

Le langage populaire présume que le cœur peut se comporter de toutes sortes de façons, certaines franchement saugrenues, d’autres insolites, d’autres qui, faisant un peu trop clairement image, nous laissent médusés. Cœurs sensibles s’abstenir…
 
Qui peut prétendre qu’il est défendable anatomiquement qu’on puisse :
- avoir du cœur au ventre (N’est-ce pas situé un peu plus haut ?)
- avoir le cœur sur la main (Voir planches d’anatomie!)
- avoir le cœur au bord des lèvres (ou la bouche en cœur?)
On peut toujours espérer :
- avoir le cœur à la bonne place
- avoir un cœur d’enfant
- avoir un cœur d’or
- avoir le cœur bien accroché
- en avoir le cœur net
- avoir bon cœur
On est en droit d’être horrifiés à l’idée de :
- n’avoir pas de cœur
- manquer de cœur
- avoir une pierre à la place du cœur 
- se faire crever le cœur par quelqu’un
- avoir un cœur d’artichaut (être volage)
- avoir un cœur qui s’endurcit
- être un bourreau des cœurs
- ne pas avoir le cœur à rire
Plusieurs fois dans la vie, sans conséquences morbides, on affirme avoir eu :
- un coup au cœur
- le cœur qui saigne
- le cœur qui s’arrête de battre ou flanche
- le cœur qui déborde, se gonfle ou chavire
- le cœur qui s’enflamme
- le cœur brisé ou percé
- ouvert son cœur à quelqu’un
- s’être rongé le cœur
- avoir parlé à cœur ouvert

On a pu observer que certains, (pas nous…) ont - le cœur dur
- le cœur fermé
- refusent le cœur de quelqu’un
- font lever le cœur

Enfin, lorsqu’on devient sage ou conscient, on en arrive à :
- avoir bon cœur
- n’écouter que son cœur
- interroger son cœur
- laisser parler son cœur
- marcher d’un cœur léger 
- donner son cœur à quelqu’un
- mettre du baume au cœur
- accueillir celui qui a besoin de vider son cœur
- offrir ou ouvrir son cœur

Quant aux contradictions, elles ne se comptent plus : 
« Mains froides, cœur chaud. »
ou alors
« Quand le cœur est chaud, on n’a pas froid au corps. »
 (Lao She)
pour ne citer que cette dernière.

Parmi les citations les plus charmantes et inspirantes, je retiens celles-ci :
« Les arbres ont le cœur infiniment plus tendre que celui des hommes qui les ont plantés. » (Renaud)
« Le cœur a la forme d’une urne ; c’est un vase sacré tout rempli de secrets. »(Alfred de Vigny)
« On ne voit bien qu’avec le cœur ; l’essentiel est invisible pour les yeux. » (Antoine de Saint-Exupéry)
« Apprendre par cœur est bien, apprendre par le cœur est mieux. »
 (Paul Masson)
« Qu’avril renouvelle le jardin en fleur, la fleur la plus belle fleurit dans ton cœur. » (Victor Hugo)
« Les goûts simples donnent la paix du cœur. » (Charles Nodier)
« Veille sur ton cœur, car de lui jaillissent les sources de la vie. »
 La Bible ; Livre des Proverbes
« La nature et le cœur sont inépuisables. » (Jacques-Henri Bernardin)

Pourquoi associe-t-on depuis toujours le cœur, cet organe bien physique, et le cœur, cet organe psychique, imbu des qualités de compassion, d’empathie, de sensibilité, de délicatesse, de générosité, d’amour quelle qu’en soit la forme ?
La médecine anthroposophique nous révèle une raison bien fondée, le cœur ayant un rôle tout à fait particulier entre les mondes visibles et invisibles, les forces anatomiques et les aspects subtils de ces mêmes composantes de la vie. C’est plutôt complexe. Je vais tenter d’énoncer quelques grandes lignes de ce vaste propos pour dégager un angle du cœur qui n’est pas souvent pris en considération.

LE CŒUR N’EST PAS UNE POMPE
Le cœur n’est pas une pompe. Il serait plutôt un dispositif de diffusion en flux, de diffusion en mode continu (streaming device). Dans le ventricule gauche, les fluides en rotation sont capturés et pivotent sur eux-mêmes. Ainsi, le cœur agit comme un frein. La principale raison justifiant ce freinage est l’équilibre. Le cœur est un organe de l’équilibre. 
L’idée que le cœur est une pompe a dominé la médecine depuis des siècles. Cependant, à l’apex du ventricule gauche du cœur, les tissus sont fins comme du papier, sans la résistance nécessaire pour contenir le fluide sanguin sous pression. En se servant du vortex pour nous aider à comprendre le mouvement du cœur dans le cœur, on peut concevoir comment il se fait que cette partie du cœur ne reçoit jamais de pression dangereuse, ce qui serait le cas si le cœur était une pompe. D’autres recherches ont démontré à l’aide de caméras, que le sang se déplace à travers les vaisseaux sanguins de l’embryon humain avant même que le cœur soit formé. Quelque chose d’autre que le cœur fait bouger le sang. Frank Chester, artiste anthroposophe de renom, sculpteur, enseignant l’art depuis 35 ans dans les plus grands collèges et universités américains, un des pionniers de la géométrie sacrée explorant la relation entre la forme et l’esprit, a bien compris que le cœur n’était pas une simple pompe. Selon lui, la forme géométrique même du cœur, ce qu’il appelle un « Chestahedron» (forme à sept côtés de même taille mais pas de même forme). Quatre des faces sont des triangles équilatéraux et trois des cerfs-volants (terme géométrique) qui évoluent dans le processus de transformation. Une petite recherche sur le web pourra éclairer votre chandelle et vous permettre de visualiser cette forme. C’est fascinant.
Donc le cœur est un organe qui se forme par le passage d’un flux qui tournoie et se renverse. Le sang entre dans le ventricule gauche en faisant une spirale dans le sens des aiguilles d’une montre. Par le temps qu’il ressort du ventricule gauche, il tournoie dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, ayant donc inversé sa direction. Intéressant de méditer sur là-dessus. Et sur le fait que Chester affirme qu’il y a un moment, à mi-temps du renversement du flot, où le sang opère une véritable pause, un non-mouvement. Est-ce que ce moment rendu conscient aurait un lien quelconque avec la méditation et les exploits cardiaques de certains grands yogis ?

LE CŒUR, UN OUVRAGE DE RETENUE
Pour la médecine anthroposophique :
« Un processus d’échange prend naissance en-tre les substances alimentaires liquéfiées et l’élément gazeux absorbé par le poumon. Il est le résultat d’une interaction de forces. Les éléments constitutifs de ce processus d’échange se rencontrent et s’accumulent dans le cœur avant cette interaction. Le cœur apparaît comme un ouvrage de retenue entre d’une part ce que je nommerai les activités inférieures de l’organisme : l’absorption et la transformation des aliments, et, d’autre part, les activités supérieures. Parmi ces dernières, la respiration occupe la situation la moins élevée. Un barrage, un ouvrage de retenue est intercalé et l’activité du cœur- cela est important- est le résultat du jeu de forces entre le courant alimentaire et l’air venu de l’extérieur. Tout ce qui se manifeste dans le cœur, tout ce qu’on peut y observer, doit être considéré comme une conséquence, qui devient provisoirement sous son effet mécanique. »   (Rudolf Steiner)

LE CŒUR OU LE SANG, LA POULE OU L’ŒUF?
Ainsi, le cœur répondrait au sang et non pas le sang au cœur. Ce n’est pas le cœur qui mettrait le sang en mouvement mais le sang qui produirait cet effet sur le cœur. Certaines expériences ne laissent aucun doute à ce sujet. On branche sur un ensemble cœur-poumon une canalisation remplaçant la grande circulation. Quand le sang s’engage dans cette canalisation et arrive au cœur, il se met alors à battre, et ce, même après des interruptions de nombreuses heures. Le sang a donc un rôle primaire. Le sang, qui est chaud, mobile, qui est le siège de multiples échanges et qui possède une capacité de régénération intense (on sait qu’un globule rouge ne vit qu’un mois) fait partie du pôle métabolique, par opposition au pôle neurosensoriel. Le cœur est le point de rencontre entre ces deux pôles. Il est chargé de les harmoniser, compensant faiblesses et excès au besoin. Il est responsable, de par sa forme, de la régulation du rythme.
Le rythme est un aspect essentiel de la vie. Les changements de rythmes peuvent aussi bien faire partie de la vie naturelle (exemple : plus rapide chez l’enfant, plus lent pour le vieillard). Mais il peut aussi être signe de diverses pathologies. Les affections cardiaques sont le signe d’une prédominance d’un pôle sur l’autre, lésant le cœur qui cherche à compenser, dans ces cas, intensément et en permanence.  Le cœur devient épuisé par des efforts persistants d’harmonisation. Quand le métabolisme est prépondérant, il s’en suit de l’inflammation. Lorsqu’elle s’étend au cœur, c’est habituellement à la suite d’un autre foyer latent d’infection. Quand le pôle neurosensoriel domine, la systole prédomine alors sur la diastole et les vaisseaux, particulièrement les artères coronaires, se figent, se sclérosent (durcissement, immobilisation) et se sténosent (rétrécissement anormal d’une structure anatomique) ; les spasmes artériels réduisent encore la circulation, et parfois des caillots se forment. Ces processus sont à l’origine de l’angine, de l’infarctus du myocarde et des thromboses.
Il y aurait bien davantage à dire sur tout cela mais j’espère que ces bribes éveilleront votre curiosité, comme elles ont éveillée la mienne. Il est cependant un point commun à toutes les pathologies cardiaques : elles requièrent une transformation profonde de la personne qui en souffre. Non seulement son mode de vie devra changer, mais sa philosophie de la vie interrogera de nouvelles réponses aux questions existentielles. Après le repos absolu du début, il faudra du mouvement mais un mouvement rythmique et imbu de calme. Le stress devra baisser d’un ou de plusieurs crans. La matière devra devenir moins importante que la vie intérieure. Des activités artistiques, ainsi que la méditation, pourront aider à la guérison, instiguant un rythme plus naturel, plus simple, plus serein et plus cohérent.

LE RYTHME, ÉLÉMENT VITAL
Tout ce qui est arythmique est un effort de l’organisme de retrouver un rythme adéquat. Tout ce qui est arythmique dans notre mode de vie peut devenir une clé pour la guérison si on travaille à recréer un rythme approprié dans ce qui l’a perdu : respiration, nutrition, mouvement, sommeil, etc. Ce rythme, élément primordial de la vie, en plus de créer les formes variées de la vie, permet leur survie. Qu’on pense aux grandes migrations, aux changements de saisons, aux âges de la vie, aux cycles du soleil et de la lune, aux lunes des femmes, etc. Rien n’est banal ni laissé au hasard dans tout cela. Le rythme. Le nombre. Une des grandes forces sur lesquelles s’est construit l’univers. J’inclus ici un des enseignements bien connus de Rudolf Steiner sur les rythmes humains et à quel point ils sont sous l’influence des mouvements planétaires ou terrestres, parfois directement, parfois comme un souvenir fermement intériorisé de l’origine. Nous n’avons pas une existence séparée de la vie. Nous avons peut-être redressé notre colonne, nous affranchissant ainsi de certaines dépendances, mais nous sommes foncièrement un, indivisiblement.
Ce que nous dit la médecine anthroposophique au sujet du rythme respiratoire :
- Le rythme respiratoire est de 18 par minute, donc, en 24 heures, 25,920 respirations.
- Ce chiffre est aussi celui de la durée de l’année platonicienne exprimée en années terrestres.
- Si on divise l’année platonicienne par douze, on obtient le mois platonicien.
- Le mois platonicien est de 2,160 années terrestres.
- C’est le temps que met le point vernal à parcourir une constellation du Zodiaque.
- Si on divise le mois platonicien par 30, on obtient 72 années terrestres, la durée moyenne d’une vie humaine. (Pas l’espérance de vie, qui augmente de plus en plus)
- On parle ici d’une journée cosmique.
- Mais 72 est aussi le nombre moyen des pulsations du cœur en une minute.
INTÉRESSANT de voir à quel point le rythme cardiaque est intégré dans le rythme solaire…
 
LE FEU DU CŒUR et l’homme-cœur
Mentionnons de plus que le cœur est le centre de l’organisme de chaleur, dont il assure la régulation grâce au système circulatoire au grand complet. Notre Moi, notre Je, ne pourrait se manifester sans notre organisme chaleur. Le cœur, tout comme le Moi est du domaine de l’élément feu. La chaleur générée n’est pas seulement celle du sang, notre température, notre chaleur physique, mais aussi notre chaleur humaine caractérisée par les qualités suivantes : ardeur, enthousiasme, courage, générosité, don de soi, amour…
L’homme-cœur, à dominance cœur, aura donc un Moi très fort, une personnalité puissante, une volonté d’arriver au but qui peut virer à l’acharnement et à l’excès de travail. Il oscillera entre une extrême générosité et une tendance à imposer sa volonté à l’autre par n’importe quel moyen. Il sera l’hôte d’une pensée fulgurante, rapide, créative, mais aussi d’un sang bouillonnant pouvant mener à la colère, à l’impatience devant l’obstacle, à la témérité dangereuse, à l’autodestruction même. L’homme-cœur, C’est au fond le colérique typique.

AIDER SON CŒUR
On sait que les maladies du cœur et les accidents cardiovasculaires fauchent une personne sur trois. Pourtant, on ne porte attention et on n’entend trop souvent son cœur que quand il est devenu à juste titre source d’inquiétude. Aider son cœur, on sait pourtant depuis longtemps comment faire. C’est presque trop simple. Ça s’appelle la sagesse de la vie. On semble l’avoir innée quand on est tout petit, on se hâte de la perdre de vue à l’adolescence où tous les excès semblent permis et où l’on se croit éternel. Certains ne la retrouvent jamais, engagés qu’ils sont dans un engrenage de stress, de demandes excessives et d’excuses face aux déséquilibres adoptés par habitude. Parfois, à l’âge mur, des signes de défaillances se pointent. Le corps manifeste sa désapprobation, demande de meilleurs services de son occupant. On entend ou pas, c’est selon. Si on entend, on choisit peut-être de changer. Pour ma part, mes propres sonneries d’alarme ont résonné assez fort pour que je porte attention au début de la soixantaine. Beaucoup de choses ont depuis lors changé dans ma vie et ça continue…

MES PLANTES DU CŒUR
« Les plantes sont ce que la nature a créé de plus proche et de plus merveilleux pour la santé de l’homme. Elles sont porteuses de « messages thérapeutiques », de « mémoires matricielles » de la nature; les plantes ont toujours été au côté de l’homme pour le soutenir, l’aider à se tenir debout, l’empêcher d’oublier les rythmes des saisons de la vie, ainsi que garder en son cœur le sentiment noble du don de soi, le sens originel du sacrifice, mot qui signifie
« faire le sacré ».
Les plantes portent en elles la croissance verticale, la relation aux forces solaires et aux rythmes planétaires, le lien entre l’aspect minéral de ses racines et l’aspect animal, animé, de ses fleurs et de ses graines, le tout en une parfaite alchimie. Les énergies vitales des plantes ont été pendant longtemps la seule médication des hommes, il est toujours bon d’y revenir car la nature respectée ne décevra jamais l’homme qui souffre tant et inutilement aujourd’hui. (Toni Ceron)
Parmi les changements proposés par les cris du cœur, les plantes médicinales sont évidemment demeurées mes alliées les plus sûres. Parmi ces plantes qui auront toujours une place importante dans ma vie, dont je ne saurais plus me passer, qui chaque année deviendront des teintures-mères de ma pharmacopée personnelle, j’affectionne particulièrement pour s’occuper de mon cœur: la cayenne, l’agripaume, l’aubépine et l’ortie. Ce sont d’abord et avant tout des plantes du sang, de celles-là qui facilitent son transit en le rendant plus fluide, en le réchauffant, en régulant son mouvement et la force de sa pression sur les parois des veines et des artères, de celles qui apaisent son parcours quand il s’agite sous l’influence des intensités et des émotions, des extrêmes mal vécues. Des plantes qui confirment la rigueur du système vasculaire alors qu’il se sert du cœur pour se ramener à la forme et à l’ordre.


Agripaume
Leonorus cardiaca
Sommité fleurie d'agripaume
J’aime beaucoup l’agripaume. Elle fait partie de mon parcours depuis plus de 30 ans. Cette grande plante forte, résistante, sachant protéger ses atouts des intempéries les plus extrêmes, invite à croire en sa propre capacité de re-trouver la santé et de rectifier ce qui a été un peu trop sollicité par les grands vents et les grandes marées de la vie. Ses superbes lobes triangulaires artistiquement ciselés de ses feuilles n’ont d’égaux que la douceur tendre de ses fleurs, issues systématiquement à chaque jonction sur sa tige. Elle est plutôt amère mais l’organisme la perçoit comme une douceur, un cadeau à s’offrir, un modèle que le corps ne tarde pas à imiter et tout particulièrement le système cardiovasculaire qui en retrouve son rythme et son efficacité. Cette labiacée du calorifique met de l’ordre dans les désordres corporels, souvent sous-jacents aux désordres émotifs. Elle prévient et corrige toutes les fautes de rythme : aménorrhée comme dysménorrhée, tranchées après les accouchements, symptômes dérangeants de la ménopause, mais surtout, arythmies et palpitations du cœur, dyspnée, faiblesse comme angoisse cardiaques, angine de poitrine, etc. Elle peut s’utiliser en prévention comme en correctif devenu nécessaire. Son action est rapide et elle est merveilleusement sans danger.

Cayenne
Capsicum annuum
Piment de cayenne
Ah ! Cette cayenne si chère à mon vieux professeur d’herboristerie John Christopher qui de son vivant l’apprécia suffisamment pour lui consacrer tout un ouvrage. Non, celle-ci (la seule de mes plantes de prédilection citées dans ce document) n’est pas une plante très adaptée à notre climat. Elle aime tellement la chaleur qui demeure sa caractéristique la plus flagrante. Mais je lui consacrerai le temps qu’il faut pour qu’elle s’acclimate… et avec un peu de patience et (hélas !) de réchauffement planétaire, elle sera peut-être de plus en plus à l’aise. On s’habitue à elle et elle accepte de s’accoutumer à nous. Son influence calorifique sur tout le système veineux est sa plus grande réalisation. La cayenne améliore le métabolisme quand il se fait languide pour quelque raison que ce soit. Elle aide à ajuster la pression sanguine, redonne de la vigueur au pouls  et facilite la circulation, même aux extrémités. Elle nettoie les parois des artères, contrecarre la présence excessive du cholestérol et des triglycérides. Elle facilite le travail du système lymphatique dans le rejet des toxines. Certains la croient dommageable pour l’estomac, mais ce n’est pas le cas si on l’intègre graduellement à l’alimentation ou aux soins de santé. Elle est en fait un contre-irritant. Un autre de ses bienfaits : elle améliore le mouvement péristaltique et contribue à l’assimilation comme à l’élimination. Elle décrispe et calme les douleurs des rhumatisants. Et je pourrais continuer. John Christopher affirmait que la prise d’une cuillère à thé de bonne poudre de cayenne dans de l’eau pouvait stopper net une crise de cœur…  

Aubépine
Crataegus oxyacantha
Feuilles et fleurs d'aubépine
Fruits d'aubépine
Je ne suis pas la seule à vivre l’obsession printanière de l’aubépine. Elle est le symbole du renouveau et du bonheur. Marcel Proust écrivait : « Je revenais devant les aubépines comme devant ces chefs-d’œuvre dont on croit qu’on saura mieux les voir quand on a cessé un moment de les regarder, mais j’avais beau me faire un écran de mes mains pour n’avoir qu’elles sous les yeux, le sentiment qu’elles éveillaient en moi restait obscur et vague, cherchant en vain à se dégager, à venir adhérer à leurs fleurs. Elles ne m’aidaient pas à l’éclaircir, et je ne pouvais demander à d’autres fleurs de le satisfaire. » Cet arbre est mystérieux, irremplaçable et mythique. Comble de la dureté et comble de la douceur réunis. Au printemps, l’aubépine s’enflamme tout à coup avec une vitalité étonnante et explose en innombrables et tendres fleurs blanches qui nous font oublier son bois résistant et ses longues épines si exposées pendant l’hiver, preuves de sa robustesse légendaire. Un éthérique excessif est avantageusement tenu en tutelle dans cet arbre. Je visite l’aubépine tous les jours car il faudra cueillir ses fleurs accompagnées de quelques jeunes feuilles avant qu’elles ne s’épanouissent trop, ce qu’elles font à la vitesse de l’éclair. Les fleurs cueillies trop tard perdront leurs pétales au séchage et jauniront, indiquant une perte de leur vitalité d’origine. L’obsession me reviendra à l’automne. En effet, j’utilise feuilles, fleurs et fruits dans ma préparation. Pourrais-je trouver assez de fruits intacts pour faire ma teinture-mère ? C’est que l’aubépine attire tout un monde gourmand d’insectes, d’oiseaux… et d’herboristes. Fait intéressant, Rudolf Steiner  mentionne que le fruit, la chair entourant les semences, agit sur sang alors que les semences elles-mêmes (2 ou 3 par fruits) agissent sur le cœur. Une intimité qui ne nous surprendra pas, comme celle qui existe entre ces deux composantes de notre anatomie. L’aubépine est une véritable plante tonicardiaque ; elle nourrit le muscle qu’est le cœur. Elle est toute indiquée en cas de faiblesse, de fatigue ou d’insuffisance  cardiaque. Elle favorise la circulation coronarienne par vasodilatation. Anti-oxydante, anti-inflammatoire, elle ajoute à ces vertus celle d’être antispasmodique du système nerveux. Elle calmera les nervosités, anxiétés,  insomnies, palpitations, sensations d’oppression qui apparaissent lorsque le cœur conteste et s’agite. En bon hypotenseur, elle apaise la tension artérielle. En médecine anthroposophique, l’action principale qu’on lui reconnaît est de refouler les forces de durcissement provenant du pôle neurosensoriel et qui peuvent devenir menaçantes pour le système rythmique. C’est une plante qui a largement fait ses preuves. D’ailleurs, elle fait partie des pharmacopées officielles de l’Allemagne, de la France, de la Chine, de la Grande-Bretagne. À noter : on suggère de l’éviter si vous êtes enceinte, allaitante ou pour les jeunes enfants. À doses exagérées, il peut y avoir ralentissement du pouls.

Ortie
Urtica dioica
Ortie
On ne considère pas toujours l’ortie comme étant une plante bénéfique pour le cœur, mais on sait pertinemment qu’elle est une grande spécialiste du sang. Vous comprendrez, en fonction de ce qui a été élaboré ici, que l’ortie devrait faire partie d’une hygiène quotidienne pour tout le monde. «L’action du cœur est l’effet de la résistance au mouvement du sang et non point la cause.» (La rose et la passiflore, Eaux vives, John Wilkes) Chez moi, malgré la disparition des beaux grands jardins de mon Armoire aux Herbes, il n’y aura jamais pénurie d’ortie. C’est une plante qui s’installe. « It grows on you » comme on dit si bien en anglais. Elle pousse sur vous ? Elle vous pousse? Elle pousse où vous poussez? Que du vrai ! L’ortie est forte, saine, d’un vert intensément riche en chlorophylle et abondamment couverte de poils urticants qui contribuent grandement à ses vertus curatives. Elle est très rythmique dans son développement foliaire. Chaque nœud se déplace de 90°par rapport à celui qui le précède. Steiner la nomme: « la plus grande bienfaitrice du monde végétal ». Une irréductible irremplaçable ! Aussi bien pour la terre que pour nous. Ses racines et son rhizome sont riches en fer, tout comme ses feuilles, plus largement utilisées. Elle est chaude, sulfurique. Depuis toujours, on connaît son affinité avec le sang. Elle est hémostatique, arrête et prévient les saignements de nez, elle agit pour équilibrer les règles. Elle présente aussi une action favorable sur la teneur en sucre du sang. Elle s’adresse au système rythmique de l’être humain aidant à stabiliser le rythme sanguin. Elle fortifie dans les cas d’épuisement, d’anémie, de pertes de sang. Elle intensifie le processus fer dans le sang. On connaît bien la polarité chlorophylle et hémoglobine du sang. L’ortie en est l’ambassadrice de prédilection. Elle vitalise le corps astral et soutient le Moi dans son effort pour normaliser la formation du sang et ses rythmes. Pas surprenant qu’elle fasse partie de ma potion magique pour le cœur. 

Élixir de fleurs de digitale pourpre
Digitalis purpurea
Éblouissantes digitales
C’est sous la douce forme de l’élixir de fleurs que je prends et recommande la digitale. Cette plante toxique recèle des dons puissants mais qui peuvent causer préjudices à qui la prendrait autrement que sous forme homéopathique. Elle est une dévote du cœur, du sang. Même les taches purpurines de ses fleurs nous rappellent l’apparence du sang vu au microscope. Elle est une championne du rythme. Elle rétablit tout ce qui s’y dérègle. Même le décalage horaire répond à son influence. Cette superbe plante fait grimper rythmiquement ses grandes fleurs labiles (elles changent d’orientation au cours de leur croissance, d’abord vers le haut, puis à l’horizontale, puis penchées vers le sol). Les fleurs s’insèrent en spirale le long de sa tige au fil du temps. La digitale est en soi un enseignement, en forte tension entre l’éthérique et l’astral, entre la lumière et la pesanteur. Elle prend son temps, développant sa rosette la première année avant de s’élancer sereinement et efficacement à la conquête du firmament. Elle nous aide à adopter un rythme plus sain quand le cœur l’exige.

POUR FINIR … LE CŒUR ÉTHÉRIQUE
Le cœur éthérique, qui contient une impression de tout le cosmos spirituel duquel notre âme et notre esprit descendirent à notre naissance, intègre, pendant notre vie, notre cœur astral, contenant pour sa part toutes nos expériences humaines de la naissance à la mort. Le cœur éthérique, cet extrait cosmique, est donc ainsi imbibé de nos apprentissages sur terre ainsi que de nos pensées, sentiments et intentions. Lorsque nous mourrons, ce cœur éthérique est reconduit dans l’éther cosmique, porteur de l’expérience humaine dans le cosmos et formant la base de notre karma futur (soutiré de la conférence unique qu’a prononcée Steiner sur le cœur humain).
Quelle image forte !
Croyez-moi, je prends tout cela à cœur. En découvrant son cœur, en pénétrant au cœur de sa nature, on y grave à jamais quelque chose qui vient tout droit du cœur. C’est à cœur joie qu’on reprend sa vie quotidienne et qu’on s’en donne à cœur joie…



L'amour

L'amour.
La seule force.
La seule vérité.
L'amour.
Ce qui nous propulse et ce qui nous appelle.
L'amour.
Ce qui nous compose et ce qui nous attend.
L'amour.
Comment douter de l'amour?
L'amour donne vie à tout ce qui est.
En vous familiarisant avec l'énergie de l'amour,
vous re-connaîtrez l'Unité.
Vous saurez reconnaître l'amour
en tout être et en toute chose
et cette vision vous aidera
à dépasser enfin les jugements,
les peurs, les différences, l'indifférence.
L'amour.
Comment parler de l'amour?
L'amour se ressent.
L'amour vibre à un taux d'intensité
adapté à la capacité
qu'a l'humain de l'accepter
à ce point de son évolution.
Lorsqu'on s'ouvre à plus d'amour,
on grandit.
Lorsqu'on s'ouvre à plus d'amour,
on en appelle l'essence
et on l'aide à s'incarner.
L'amour.
Regardez autour de vous
et constatez le travail
et les fruits de l'amour qui s'apprend.
Lorsque le soleil touche l’horizon
de son baiser cosmique,
l'amour jaillit.
Et tout rougeoit,
tout rougit d'émoi,
tout rougit de joie.
L'amour.
Il se cache dans la moindre cellule.
Chaque couleur est un message de l'amour.
Chaque son est un écho de l'amour.
Chaque création est une facette de l'amour.
L'amour.
Il faut apprendre à le percevoir
même là où il semble en carence.
Le manque d'amour,
la souffrance, la guerre,
la destruction, la pollution,
sont des appels urgents à la guérison.
Et la seule guérison,
c'est l'amour.
Vous ne pouvez guérir,
vous-mêmes et les autres,
que dans la mesure
où vous accueillez l'amour.
Cessez de craindre
de souffrir par l'amour.
Cessez de craindre
que votre amour ne soit pas reçu
ou ne soit pas proprement accueilli.
Sachez que toujours l'amour touche au but
mais que parfois le but envisagé
n'est pas le but atteint.
L'amour.
Cette force, ce courage,
cet accueil, ce bonheur.
L'amour.
Il est partout.
Il s'habille de beauté.
Il se pare de tous les atours.
L'amour fait tourner,
fait vibrer
toutes les cellules
et tous les univers.
Sans la force de l'amour,
rien ne serait.
Sans la force de l'amour,
ce que nous appelons la vie
serait pure illusion.
L'amour qui importe
n'est pas l'amour que vous portez
à l'un, à l'une ou à l'autre.
L'amour qui importe
est simplement
l'amour que vous portez.
Devenez porteurs d'amour.
Que cet amour
jaillisse de vos yeux
et embrase
tous les êtres
et toutes les choses.
Apprenez à contacter
chaque jour
l'amour au coeur de vous-même.
Faites-lui de la place.
Offrez-lui un territoire.
Invitez l'amour
à être de la partie
et vous la gagnerez.
Au moment de l'éveil,
appelez l'amour.
Reconnaissez l'action de l'amour
et votre journée sera illuminée.
Sachez que tout ce que vous faites
en présence de l'amour
est une puissance transformante inouïe.
Sachez que l'amour,
lorsqu'il vous envahit,
prend toute la place
et que les gestes quotidiens
et que les petites actions quelconques
deviennent de grands soleils
qui illuminent des mondes en devenir.
L'amour.
L'amour s'apprend.
L'amour se pratique.
L'amour s'accueille.
Recherchez l'Amour divin.
Apprenez à regarder,
avec les yeux de l'âme,
tout ce que vous croisez
et laissez l'Amour divin
renouer les pactes,
retisser les liens.
L'Amour divin habite tous les silences,
tous les rêves, tous les êtres,
même les plus démunis,
même les plus violents,
même les plus effrayés.
Sans l'Amour divin,
ces êtres s'éteindraient pour toujours,
sans chance de rémission.
Alors  apprenez à retrouver l'Amour divin,
à vous mettre en résonance avec l'Amour divin.
Que l'Amour divin devienne vraiment
le seul lien que vous avez
avec tout ce qui vous touche
et vous accompagne.
Que l'Amour divin soit votre seul rêve,
votre seul éveil, votre seule vérité.
L'Amour divin,
lorsqu'il se pose,
partage une Lumière éblouissante
et parle de noblesse, de beauté,
d'espoir aux recoins
les plus sombres de l'humanité.
Ne gardez pas l'amour
que vous générez pour vous seul.
Ouvrez votre coeur
pour que cet amour
puisse enfin transformer la matière
et bénir la vie.
Devenez des temples d'amour
et que vos lampes soient toujours allumées
afin que les êtres souffrants
puissent y trouver espoir et réconfort.
N'ayez jamais peur de manquer d'amour.
N'ayez jamais peur de trop aimer.
N'ayez jamais peur de souffrir d'amour.
Lorsque l'amour circule librement,
lorsque l'amour allume tous les instants,
lorsque l'amour se donne résolument,
alors l'amour est un parfum exquis
qui circule dans le vent
et tous les êtres et toutes les choses
le reçoivent avec respect
et acceptent de s'ouvrir
à la transmutation qui s'accomplit.
L'amour est un langage silencieux.
L'amour est une chaleur.
L'amour est une extase.
Ne jugez pas l'amour.
Accueillez l'amour,
même l'amour qui prend des formes
que vous auriez tendance à rejeter.
Ne questionnez pas la Source de l'amour.
Questionnez seulement votre interprétation.
La Source est toujours pure et claire.
Sachez que ce qui trouble l'amour,
ce sont les barrages
que vous y mettez,
ce sont les blocages
qui font de cette eau pure et claire,
des marécages.
Ouvrez-vous à l'Amour divin.
Recevez en vous toutes les sources.
Elles sont là.
Elles ont leur origine à l'origine de vos êtres.
Elles vous ont fait couler
à travers les temps,
à travers les incarnations,
explorer toutes les facettes,
et vivre tous les élans.
L'amour.
Que dire de l'amour.
L'amour, c'est l'âme en amour.
L'amour.

(Texte reçu par Danièle Laberge)






Lettre de l'éditeure, Dynamot décembre 2011
par Danièle Laberge

Lever soleil du début décembre
Ces derniers temps, j’essaie de prendre le temps de penser à ce à quoi je vais penser aujourd’hui. Je choisis de ne pas me laisser balloter au vent du changement. Je cherche à suivre mon fil d’Ariane afin de ne pas me perdre dans la foule de distractions et de stimulations qui ne manquent jamais à l’appel. C’est que trop souvent, nous réduisons nos sens, ces antennes du vivant, à des tentacules dont le rôle serait d’attirer le monde à elles pour le posséder.

Plus que jamais, il importe de prendre le temps. Le temps de sentir le temps qui passe. Le temps de pratiquer l’ordinaire, pas si ordinaire que ça, pour qui sait y voir. Le temps requis pour ajuster nos pensées, nos sentiments, nos états d’âme à ce qui change autour de nous à la vitesse de la lumière.

Nous vivons décidément une période folle sur tous les plans, une période où l’on nous mitraille constamment de slogans scandant qu’on n’a plus beaucoup de temps… Et pourtant… On pourrait bien se dire qu’on n’en a jamais perdu autant… La recherche de distraction devient une priorité quand tout éclate et qu’on n’a plus de refuges appropriés. « Se distraire c’est chercher à ne pas avoir conscience de la marche du temps. » (Gertrude Stein) Le sentiment d’urgence peut contribuer à nous paralyser devant l’ampleur de la tâche et les carcans d’impossibilités que notre imagination entretient. Aurons-nous le temps? Pourrons-nous renverser les dégats déjà accomplis? Est-il trop tard? Il y aurait tant à dire et tellement de mauvaises nouvelles de la planète à explorer. Et pourtant…

«  Le mal est le bien en formation, mais pas encore prêt, dit l’ange. » (Dialogues avec l’Ange)
  
Malgré tout, l’espoir persiste, la soif d’une eau vivante se manifeste partout. La recherche d’outils de changement s’active. Les détours nous retardent parfois, mais nous allons vers demain d’un pas résolu. Les solutions existent déjà. Ne manque que la volonté sociale et politique de les appliquer sans délais, quels que soient les sacrifices que cela implique.

Nous commençons à accepter notre ignorance fondamentale du grand Mystère d’où nous venons. De gré ou de force, l’égo cède le pas, ouvrant ainsi nos horizons pour tout y inclure puisque tout en fait partie. C’est un grand pas de passer des œillères à l’horizon! Ça écartèle les limites et déchire les illusions! La vérité nous conduit à la pleine conviction que notre ignorance « guérissable » ne nous empêchera pas d’agir mais qu’elle sera garante de notre ouverture et de notre accueil de l’autre. On ne se sauvera pas tout seul, c’est clair…

« Qu’est-ce que je fais pour qu’un monde nouveau émerge? » (Marguerite Kardos)

« Un être humain fait partie d'un tout que nous appelons l'Univers ; il demeure limité dans l'espace et le temps. Il fait l'expérience de son être, de ses pensées et de ses sensations comme étant séparés du reste - une sorte d'illusion d'optique de sa conscience. Cette illusion est pour nous une prison, nous restreignant à nos désirs personnels et à une affection, réservée à nos proches. Notre tâche est de nous libérer de cette prison en élargissant le cercle de notre compassion afin qu'il embrasse tous les êtres vivants, et la nature entière, dans sa splendeur... » (Albert Einstein)

La véritable rencontre de l’autre, l’autre dans son essence, cet autre de tous les règnes et de toutes les dénominations, transforme notre regard, allume la compassion et nous transfigure. Il n’y a pas de plus grande satisfaction que lorsqu’un regard s’allume parce que l’Esprit y est entré. Participer un  tant soit peu à ce miracle, y contribuer, c’est un de nos devoirs les plus précieux. Cela fait partie de l’essentiel. Et alors, l’essentiel, on n’a plus tellement envie d’en sortir… Il nous dévoile des révélations qui n’en sont peut-être qu’à nos yeux, qui feraient possiblement bien sourire les scientifiques. Et pourtant, ces Ah! Ah! peuvent atteindre la pureté et l’âpre perfection mathématique du diamant.

En changeant la perspective, en reformant les idées, en aimant comme des enfants, nous accédons à ce que Jean Klein, un philosophe moderne de l'Advaïta Vedanta, définit ainsi :  « L'ultime contentement, joie ineffable, inaltérable, sans motif, est toujours présent en nous ; il nous était seulement voilé. »

Plus ça brasse, plus ça s’agite autour, plus ça devient intense, et plus on a besoin de tamiser notre vie au filtre du silence. Le silence qu’on s’impose à soi-même devient vérité. Il rayonne en nous et autour de nous et s’établit automatiquement quand ça devient nécessaire. Le silence a beau être un état naturel, on l’a occulté. Le remettre à sa place requiert une véritable discipline. Seules les réponses qui ont acquis la profondeur nécessaire à son contact purificateur ont le pouvoir de guérir et de réconcilier ce qui s’est âprement divisé. Quand on ne voit plus clair, il faut inviter ce qui advient à s’illuminer dans le silence où l’âme et l’Esprit habitent. Par notre irréflexion et notre promptitude à réagir sans comprendre, nous cassons si souvent le fil de la Grâce qui s’offrait à nous.

Depuis le 31 octobre 2011, nous sommes maintenant 7 milliards d’humains en stage d’amour sur  la Terre, cette extraordinaire planète/école.

Donnons du temps au temps.
Le meilleur est à venir!
De cela, cultivons la conviction.
La conviction qui donne le courage d’avancer.
Dans la joie!

Et relisons encore et encore les sages paroles qui suivent :

« Nous devons extraire de l’âme toute peur, toute terreur de ce qui vient nous rencontrer du futur. Nous devons envisager avec une équanimité absolue tout ce qui vient vers nous. Nous devons fondamentalement croire que tout ce qui vient du futur nous est donné par une volonté universelle, pleine de sagesse. Cela fait partie de ce que nous devons apprendre à cette époque : soit d’agir à partir de la pure confiance en l’aide toujours disponible émanant des mondes spirituels. En vérité, rien ne nous manquera si le courage ne nous fait point défaut. Disciplinons donc notre volonté et cherchons activement l’éveil à l’intérieur de nous-mêmes, chaque matin et chaque soir. Disciplinons notre volonté et efforçons-nous, matin et soir, de renouveler l’éveil d’une constante conscience en nous-mêmes. » (Rudolf Steiner)

Réflexions et pensées sur le temps
par Danièle Laberge

Ce que révèle le temps sur l'essence de la feuille


- Tout change avec le temps… inexorablement.
- Ça prend du temps pour que s’épanouisse la conscience. Le temps, cette grâce qui permet la transformation.
- Qu’est-ce donc que ce temps, surréaliste, comme une pulsation géante, ce processus respiratoire maîtrisé global, qui possède l’immense pouvoir de réduire tout ce qui existe en poussière, à plus ou moins long terme? Quelle est-elle, cette force invisible qui, comme le vent, peut sculpter la terre tout comme nos vies?
- « Le corps éthérique est un organe de travail à travers le temps, et les processus éthériques sont toujours rythmés. » (Steiner) Depuis l’enfance, nous cherchons à trouver « une relation au temps ». Cette relation se développe à travers le corps éthérique, qui travaille sur le corps physique pour en faire un instrument approprié pour la vie.
- N’est-ce pas au présent que le don de nos sens nous est donné, qu’on peut se recueillir sur l’acte? Qu’on peut « goûter la vie dans l’opulence magique de l’instant. » (Yvette Peyrard)?
- Peut-on apprendre à jouer avec le temps? À rythmer adéquatement le faire et le non-faire sans renier notre action au monde, cette chance unique et éphémère? À faire appel à l’énergie de Saturne, plus épurée, plus réservée, plus économe? On ne peut aller dans l’expansion, l’action, l’effervescence, l’offrande que jusqu’au point où le rappel à soi devient vital. Il ne faut pas oublier d’inspirer… On peut expirer d’inspirer trop longtemps…
- Notre société est obsédée par le temps. Quand on est obsédé par quelque chose, mieux vaut l’explorer plutôt que de le renier. Dans la connaissance, il devient possible de laisser aller l’obsession et de laisser le concept trouver sa juste place dans notre vie. Comme le dit un proverbe arabe : Si tu n’as pas le temps, c’est que tu es déjà mort!
- Le temps : ce mot éveille souvent la phobie de cohortes d’échéances et d’engagements alourdissant les jours et inquiétant les nuits. Elle est bien singulière, cette relation que nous entretenons avec le temps. Pourquoi associons-nous le temps aux objectifs et aux exigences de réalisations, nous incitant à courir après lui, à développer l’impression de manquer de temps. L’image mentale qu’on a d’une situation est plus dangereuse que la réalité car elle fait souvent perdre tous ses moyens pour affronter une situation difficile. La peur de manquer de temps survient quand on le confronte avec le passé, (ce qu’on s’était proposé de faire), et avec l’avenir, (ce que l’on craint de ne pas réussir à faire dans un temps donné). Pourtant, « Nous avons tous une connaissance intuitive de notre devenir, comme la graine sait comment devenir un arbre. » (Satish Kumar)
- On a lu et relu que c’est au présent qu’on peut toucher l’éternité. « Hier était le jour précédent et demain sera le jour suivant parce que je suis aujourd’hui. » C’est au présent que le temps peut s’étirer et qu’on peut trouver du temps, pour notre plus grande joie et pour notre plus grande paix. Le temps peut s’étirer entre deux respirs, entre deux pensées. C’est ce qu’on appelle la méditation. « Le silence attentif permet de coller au temps juste. Et donc, à l’action adéquate. » (Marc de Smedt)
- La respiration de l’Esprit nous harmonise avec le temps. Que peut nous enseigner Michael à ce sujet, l’esprit du temps, le guide spirituel de notre époque, l’ambassadeur terrestre du Christ, qui, d’après Steiner, nous accompagne dans ce passage depuis la fin novembre 1879?
- C’est dans la certitude que le temps est notre allié le plus fidèle qu’il le devient. La notion de manquer de temps crée cette réalité aussi sûrement que la notion d’avoir à notre disposition tout le temps requis pour accomplir notre vie et la vivre pleinement et sereinement. L’immersion dans le moment présent libère de la pseudo tyrannie du temps que nous avons activée dans la fausse croyance que c’est ainsi que nos rêves pourront devenir réalité.
- « Plus de crainte : le futur sera ce qu’il sera, à chaque jour suffit sa peine, à chaque minute suffit son oui. » (Arnaud Desjardins)  
- Ce n’est pas le temps qui change de rythme ou qui s’atrophie dans l’arythmie, c’est nous qui, selon nos phases ou nos configurations, le percevons autrement. Le temps est stable, c’est nous qui vivons nos rythmes et nos transformations. Notre vision ou notre ressenti du temps dépend de nous. On aura le temps jusqu’à notre dernier souffle, de réaliser ce que notre âme avait choisi de venir explorer cette fois-ci. On n’a jamais vraiment manqué de temps. On n’est jamais arrivé en retard à Noël ou en avance au printemps. Malgré l’affolement de la précipitation, on est toujours présent pour l’essentiel. Plus ou moins essoufflés, c’est tout. Autre proverbe, irlandais cette fois : quand Dieu créa le temps, il en créa assez.
- Il importe d’observer consciemment la façon dont on occupe son temps, à cette étape donnée de notre existence, nous familiarisant avec nos cycles et nos rythmes. Seulement alors peut-on s’harmonier avec le temps et développer notre bon usage du temps. Peut-on libérer le temps de nous, de l’ambigüité de notre rapport avec lui? De nos dépendances, de nos démesures et de nos errances? « Patience, patience, chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr. » (Valéry)
- ….
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Mi-novembre 2011
En stage d'amour

Article écrit pour Terre de Vie


Depuis le 31 octobre 2011, nous sommes maintenant 7 milliards d’humains en stage d’amour sur  la Terre, cette extraordinaire planète/école.

Par Danièle Laberge

« Qu’est-ce que je fais pour qu’un monde nouveau émerge? » (Marguerite Kardos)
Il y aurait tant à dire et tellement de mauvaises nouvelles de la planète à explorer. Mais je choisis de ne pas aller là cette fois-ci, malgré le sentiment d’urgence qui monte de plus en plus souvent et nous tord le cœur devant l’absurdité, la souffrance, les affronts faits à la Terre, notre toute belle…*
Et pourtant…
«  Le mal est le bien en formation, mais pas encore prêt, dit l’ange. » (Dialogues avec l’Ange)

« Nous ne disposons que d’un court laps de temps pour agir, pour préserver l’humanité d’une catastrophe imminente et pour assurer la survie des diverses et belles formes de vie terrestres. Les générations futures et les autres espèces qui partagent notre biosphère, n’ont pas de voix pour nous demander de faire preuve de compassion, de sagesse et de décision. Nous devons écouter leur silence. Nous devons aussi être leur voix et agir en leur nom. » (C'est maintenant qu'il faut agir, Une déclaration bouddhiste sur le changement climatique) À LIRE ABSOLUMENT ce texte rédigé par David Tetsuun Loy (enseignant zen) et le vénérable Bhikkhu Bodhi (enseignant émérite dans la tradition du Theravâda) avec la contribution scientifique du Dr John Stanley. Le Dalaï-Lama a été le premier à le signer.
http://www.ecobuddhism.org/bcp/all_content/buddhist_declaration_french/

Nous sommes en plein redoux. Il vente du sud. Quel tendre mois de novembre! Il a fait douze cette nuit et il fera tout aussi doux aujourd’hui. La terre demeure froide sous le paillis épais dans le jardin, mais ça ne va pas durer si la chaleur persiste. Une fois de plus, je crains pour l’ail. Le réchauffement rend la survie plus difficile pour lui qu’on a semé début octobre et paillé alors que la terre était devenue dure. Elle ne l’est plus… Ah ces jardiniers, ils ne sont jamais satisfaits… Pourtant un long automne permet d’arriver à l’hiver avec les tâches saisonnières terminées, des récoltes allongées et la satisfaction de voir un peu la bout de la course après l’illusoire temps nécessaire pour arriver enfin … à aujourd’hui ?!?? Les feuilles qui s’accrochaient aux arbres d’une manière inusitée cette année n’ont pas résisté aux bourrasques de certains jours de grands mouvements. Même le chêne s’est finalement dégarni impunément devant ma fenêtre. Malgré le redoux, il « ventd’automne » et ma lourde cloche carillonne toute seule, ce qui ne lui arrive pas souvent.
C’est bien la seule chose qui me parle de Noël et du temps des Fêtes ce matin. Et pourtant, lorsque vous recevrez ce mot, l’avent sera bien engagé et l’Esprit des fêtes commencera sans doute à envahir vos cœurs et vos demeures. Les magasins, pour leur part, sont déjà remplis à craquer de bébelles saisonnières, et la beauté cède souvent la place au clinquant tapageur qui n’a rien à voir avec l’énergie réelle de la Terre se dirigeant lentement, cérémonieusement, vers la nuit la plus longue. Bien au contraire…
Le mois de novembre est considéré par la plupart des gens comme un mois difficile à vivre. On le sent triste. Les ardeurs colorées de l’automne se sont atténuées et ont pris le même chemin que les flammes de l’été. Il y a chaque année une augmentation saisissante des états dépressifs et surtout du SAD, syndrome de déprime saisonnière dans les pays nordiques. Novembre : le mois des morts. Pour ma part, j’y trouve toujours très fortement l’empreinte de mes chers disparus, particulièrement de ma petite sœur qui est partie, il y a déjà 10 ans, un 19 de novembre. On dirait qu’elle est tout près. Elle habite plusieurs de mes rêves, non pas d’une façon douloureuse mais en les colorant d’une vibration connue qui me maque. Je ne sais pas trop où je lisais dernièrement qu’on s’habitue éventuellement à l’absence de ceux qui sont loin mais que c’est tout autre chose que de s’habituer à l’absence de ceux qui sont décédés. La mort présente une telle finalité, sous la forme qu’on a connue et aimée… « La vérité historique est faite du silence des morts » écrivait Étienne Rey. Comme c’est vrai et profond. Ça ne ment pas. Pas comme les livres d’histoire du Canada de ma petite enfance… Ni les promesses des gouvernements…

J’ai trouvé une jolie pensée de Camus, il y a quelque temps déjà et j’ai envie de vous la partager, question de nous refaire le moral. Elle allait à ravir avec les nombreuses photos de feuilles de toutes couleurs et de tout givrage que j’ai prises jusqu’à dernièrement. À lire Camus ici, on le croirait québécois.
“L’automne est un second printemps où toutes les feuilles sont des fleurs” (Albert Camus)
C’est beau, n’est-ce pas?
Chaque jour, notre Mère la Terre partage avec nous. Elle nous donne tout ce que qu’elle a. Elle s'ouvre à nous sans réserves. Regardons autour de nous et voyons toute la beauté de la vie qui se déploie pour mieux nous aider à retrouver la nature de nos choix. Il y a toujours quelque chose de beau qui ne demande qu’à être découvert… Une brillance allumant un regard, un mot bien choisi, une image qui inspire, un objet qui raconte, une couleur, une chaleur. Donnons l'amour à tout, tout ce qui nous entoure. C'est ainsi qu'on spiritualise la matière et c'est le travail qui nous incombe.

J’ai remis la main sur un petit mémo-clé que j’avais rédigé, il y a bien des années. Il faisait encore du sens et je m’y suis adonnée, pour retrouver l’énergie dont j’ai besoin pour ces temps qui me tirent et me poussent éperdument. Il disait :
Je ne peux pas contrôler les circonstances extérieures de ma vie au présent, mais je peux contrôler mon attitude envers elles.
a) Je choisis de voir toute situation comme un défi plutôt que comme un obstacle ou un danger. De cette façon, je reconnais et je nourris ma force intérieure même dans le doute et l'incertitude. C'est dans l'adversité que je forme mon caractère. Je ne prie pas pour demander de force. J'assume avoir toute la force voulue. Quand je prie pour de la force, c'est que je m'admets faible et le ciel m'envoie des épreuves pour me renforcir !
b) Ma respiration est toujours avec moi, prête à me servir de clé pour devenir conscient et me rappeler mes choix. Lorsque je suis en état de stress, il est facile d'oublier qu'en dépit des circonstances changeantes, j'abrite au cœur de moi un havre de paix et d'amour. Il s'agit de mon grand moi, ce merveilleux allié qui est capable d'observer les incessantes élucubrations de ma pensée sans pour autant s'y identifier.
c) Je respire consciemment, et, à l'expiration, je laisse mon souffle me vider d'air complètement. Le prochain souffle me vient naturellement, automatiquement, et mon diaphragme se détend.
d) Je pratique souvent soixante respirations conscientes. Quel merveilleux exercice d'attention au moment présent. Ça aide !  À l'inspiration, je me dis dans ma tête : "Profondément...". Et à l'expiration, je compte : "Un...". Deuxième inspiration : "Profondément...", expiration :"Deux...". Et ainsi de suite jusqu'à soixante. Et sans oublier où j'en suis quand pensées, émotions et sensations viennent me visiter. L'utilisation fréquente de mini détentes, relaxations et méditations renforce le sentiment que j'ai d'être en état de contrôle et de choix conscient.
Voilà qui est simple et donne des résultats rapides et probants.

Vous vous ressentez terriblement de la fatigue… accumulée ?
Voici qui peut changer cette réalité…
Salvador Dali, pour sa part, recommande une sieste courte et efficace. Il l’appelle « le sommeil avec une clé ». S’installer confortablement dans un fauteuil avec des accoudoirs et laisser les mains pendre en dehors. Le pouce et l’index de la main droite tiennent une clé assez lourde qui sera ainsi suspendue au-dessus d’une assiette (pas fragile…) déposée par terre.

« Vous n’aurez alors qu’à vous laisser envahir progressivement par le sommeil serein de l’après-midi, comme la goutte spirituelle d’anisette de votre âme montant dans le cube de sucre de votre corps. Lorsque la clé tombera de vos doigts, le bruit de sa chute sur l’assiette retournée vous réveillera sûrement, et vous pouvez être sûr également que ce moment fugitif, où vous avez à peine perdu conscience, et pendant lequel vous ne pouvez pas être certain d’avoir dormi, est entièrement suffisant vu que vous n’avez pas besoin d’une seconde de plus pour que votre être physique et psychique tout entier soit revivifié par le repos juste nécessaire. C’est exactement ni moins ni plus ce dont vous aviez besoin avant d’entreprendre vos vertueux labeurs de l’après-midi. Si par contre, faisant la sourde oreille à l’appel de votre clé, vous persistiez encore un quart d’heure, ou même quelques minutes, ceci nuirait à votre travail car ces quelques minutes de paresse suffiraient, à elles seules, à vous réduire à l’esclavage par leur lourdeur pour le reste de l’après-midi. »

Non, ce n’est pas encore le temps de Noël. Mais ce sera la dernière lettre que je vous écrirai avant que ce le soit. Alors, je vais vous faire un peu mes vœux en pensant à la douceur des nuits de neige.
Joyeux Noël  et que de nombreux de vos rêves se réalisent cette année ! De mon petit village perdu dans la montagne, le vent, le froid, je pense si souvent à vous. Je vous souhaite centration, paix et joie... Une chaleur au cœur, une douceur aux yeux, une main qui se tend promettant le retour du printemps... Un Noël magique et grand, habillé d'espoir, de rires, de rêves purs et généreux pour les humains, petits et grands qui savent encore s'émerveiller... Car il faut croire plus que jamais que demain va briller et l'amour régner, comme l'étoile qui luit à minuit sur nos vies. Qu’en cette saison des Fêtes, il soit donné à plusieurs de rencontrer la magie de votre regard guérisseur. On n'oublie jamais l'amour vrai !

Joie et paix à Noël et tout au long de votre vie !

Quelques pensées additionnelles :
C’est l’absence d’amour qui nous dénature…
- « Nous sommes sur une planète/école, en stage d’amour. » (Stan Rougier)
- « Ni la lumière ni l’eau ne dénaturent la plante. Elles ne changent pas le cactus en fraisier. Elles lui donnent d’être la plus belle plante possible. Aimer l’autre pour lui-même, sans chercher aucun avantage, aucun privilège, voilà qui réclame une profonde métamorphose. » (Stan Rougier)


14 septembre 2011

Mordre dans le fruit de vie
Le grand engagement de la Vie : porter fruits!

par Danièle Laberge, herboriste traditionnelle

« La vraie aventure de vie, le défi clair et haut n’est pas de fuir l’engagement mais de l’oser. Libre n’est pas celui qui refuse de s’engager. Libre est sans doute celui qui ayant regardé en face la nature de l’amour - ses abîmes, ses passages à vide et ses jubilations - sans illusions, se met en marche, décidé à en vivre coûte que coûte l’odyssée, à n’en refuser ni les naufrages, ni le sacre, prêt à perdre plus qu’il ne croyait posséder et prêt à gagner pour finir ce qui n’est coté à aucune bourse : la promesse tenue, l’engagement honoré dans la traversée sans feinte d’une vie d’homme. » (Christiane Singer)

Le mot engagement indique qu’on se met en marche et qu’on s’enligne consciemment dans une voie. Aussi, je suggère que nous sommes déjà dans l’engagement, que l’engagement a commencé il y a bien longtemps, au moins depuis que notre âme s’est enfilée dans le canal de la vie sur terre. C’est important de ne pas penser que l’engagement, c’est un pas qu’on devrait ou qu’on devra faire. Au préalable, on a prononcé un oui sans conditions à la vie. Si non, on ne serait pas ici. On est engagés! Jusqu’au cou, engagés! À la vie, la mort, engagés! Le consentement de l’âme à ce qui est notre condition humaine et à vivre sa vie en toute conscience, c’est tout un engagement. Va donc pour le GRAND ENGAGEMENT, ce port d’attache qui, seul, donne un sens à notre vie, éveillant en nous un intarissable désir de servir, de comprendre, de se mettre constamment et humblement à l’école.

Et maintenant, au jour le jour, à quoi ça rime l’engagement? Il faut bien vivre avec et refaire ses choix, incessamment, la mémoire étant une faculté qui oublie trop souvent et surtout quand ça lui convient. Renouveler son pacte d’engagement est un grand acte de pouvoir. S’ensuit toujours le réconfort des réponses claires que la vie nous offre afin que nous trouvions la force de continuer.

L’engagement est inhérent à la prise de responsabilités. Et Dieu sait que nous en avons. « Sur le vaisseau spatial Terre, il n’y a pas de passagers, tous sont des membres de l’équipage. » (R. Buckminster Fuller)
Nu pour moins d’emballage,
Non-loin pour local,
Naturel pour une agriculture écologique et saine,
Juste pour repenser le système agroalimentaire mondial afin que tous puissent manger à leur faim.

Quand on s’engage, il ne suffit pas de dire : « Je vais essayer… » mais d’affirmer plutôt: « J’en suis, et pleinement! » Même si ça brasse. En fait, surtout si ça brasse… Je ne sais plus trop qui disait ou écrivait que si le vieillissement crée des rides sur le corps, rompre avec son engagement griffe des rides sur l’âme… Hélas, nos engagements périclitent avec le temps; même les plus profonds s’immobilisent et se figent. Ils omettent de se renouveler et de s’ajuster au changement qui sous-tend toute vie sur terre. Nous glissons éventuellement dans la peur aliénante de cet inévitable changement. Fatalement, nous nous attiédissons. Nous nous perdons dans la distraction du dehors qui réveille incessamment nos outils du penser et les émotions qui leur succèdent. C’est difficile de persévérer dans l’intention issue de l’engagement. De la graine à la génération suivante de graines…

L’engagement premier, celui qui seul permet les autres, c’est l’engagement envers soi-même, en fidélité au mandat existentiel de réaliser notre potentiel illimité. « Pour se donner, il faut s’appartenir. » (Luc de Vauvenargues) Pour s’appartenir, il faut prendre le temps d’entrer dans son for intérieur et de s’y poser dans l’être. Quand on s’initie d’abord dans le silence révélateur, on choisit ensuite bien plus efficacement tout ce qu’il convient d’entreprendre de valable. On ne s’éparpille plus. On ne se dissipe plus. Ce silence, on le ressent autour de soi comme on le perçoit en soi. Naît alors un irréductible besoin de se rapatrier fréquemment, de se récolter, de remettre sa vie à l’ordre, de s’occuper adéquatement de soi, de se préparer à porter fruits par une action centrée et paisible, ancrée dans la nature profonde de son être. Nous faisons l’expérience de la présence authentique, ce changement qui change tout!

Ce n’est que lorsqu’on se sait, lorsqu’on se sent engagé du dedans qu’on accède à la véritable nature des êtres et des choses dont nous prenons soin. Dans cet espace intime de connivence s’ouvre ce que Rudolf Steiner appelle « le paisible trésor ». Notre volonté s’éveille et passe naturellement de l’indifférence au sens des responsabilités, à la force rédemptrice qui supporte l’engagement, permettant d’incarner nos intentions spirituelles et d’accepter avec patience les inévitables délais entre vision et réalisation.

L’engagement n’est pas attaché au résultat. Il provient d’un amour gratuit, désintéressé. Oh oui! Il espère … sauver la planète… Mais il fait confiance à la Conscience, sait qu’indubitablement l’avenir sera Lumière et que les scories rencontrées sur le chemin contribuent à assurer sa victoire. L’engagement et l’affirmation de ses convictions agissent comme un phare dans la nuit la plus longue, un faisceau éclairant l’obscurité de la caverne. Être engagé, c’est porter la vision. Et la porter encore et encore. Malgré les réactions inconscientes qui remontent à la surface, malgré les vieilles formes pensées qui sont avec nous depuis des temps immémoriaux. Porter la vision et ne jamais l’abandonner.

L’être humain conscient de son engagement est un luminaire, un évolutionnaire, œuvrant à créer un monde meilleur. Il n’est plus simplement un fan, un meneur de claques, mais un véritable participant à la fine pointe des impulsions spirituelles naissantes. Il s’aligne avec la force créatrice qui a donné naissance au cosmos et a conduit l’évolution depuis 13.7 milliards d’années. Il devient l’avant-garde des impulsions spirituelles naissantes.

L’engagement, c’est une convergence, le rappel de son essence et de sa mission, le rappel de sa connexion avec la partie divine de soi. L’engagement ne change pas, mais les moyens de le faire vivre, de l’activer varient selon les étapes de sa propre vie, selon les étapes de ses apprentissages, selon les étapes de l’évolution sociale et globale. Ainsi, on se repense et on repense sa vraie place dans le monde, en tout dynamisme et en toute flexibilité. C’est en s’unifiant en soi-même qu’on en arrive à travailler ensemble et ce malgré les missions superficiellement disparates.

La solution commence par une transformation profonde à l’intérieur. Ce n’est pas tant que ce que l’on doit faire mais ce qu’on peut être. Nous sommes parfaitement équipés pour faire face à ce qui vient à nous du futur. Si nous n’avions pas choisi de vaincre l’adversité, nous ne serions pas engagés sur la terre ici et maintenant.

Nous prenons conscience de notre mandat à l'égard de l'ensemble de l'univers en même temps que de notre participation à la création. À mesure que nous apprenons à voir le monde eautrement, le monde nous reflète ce changement de perspective. On tend vers une attitude moins réactionnelle et plus centrée. À nous de profiter de cette loi de l’univers pour créer des retours de charriots positifs, remplis de compassion et guidés en tout par la force d’amour.

« Seul parvient à une vision claire celui qui a renoncé par amour pour tous, à poursuivre un dessein personnel. » (Rudolf Steiner)
Mais, au fond, rien n’est plus personnel qu’un véritable engagement puisqu’il s’agit de la synthèse vivante de notre appartenance, de nos dons, de nos affinités, de nos intérêts et de nos forces. On s’engage dans ce qu’on est. On ne peut pas être de toutes les batailles. On s’engage pour la vie, pour notre vie au service de la Vie et de son devenir.

Rien n’est plus personnel, mais inversement, rien n’est plus global qu’un véritable engagement. Eh oui! Il s’agit ici d’un véritable paradoxe. L’engagement à un aspect de la vie est l’engagement au tout de la vie. Comme la guérison d’une cellule à la fois est la guérison globale. Tout est dans l’intention. Et l’intention de l’engagement, c’est d’aller jusqu’au bout, avec tout ce qu’on a et avec tout ce qu’on est, devenant profondément responsable de notre destinée et de celle de la planète dont nous sommes. De porter fruits.

La terre nous a donné vie et nous éveille maintenant de plus en plus à l’unité qui fut, est et sera, mais qu’il a bien fallu oublier un peu pour découvrir notre Moi et la liberté qui en est le fruit, la liberté d’avoir l’impression de choisir son, ses engagements. Tout contribue à nous rendre là où nous allons, au fond. C’est l’engagement fructifiant du vivant.

 Notre engagement, en tant qu’herboristes, consiste entre autre à conscientiser que nous avons choisi, dans cette vie, de sanctifier notre lien inaliénable avec le règne végétal et de le rendre accessible et vivant à tous ceux et celles qui nous entourent. Nous nous instituons ombudsman de LA plante comme être vivant et complice de sa vocation guérissante. Cet engagement en est un de tous les moments. Ce qu’il nous offre est une fenêtre luxuriante à travers laquelle observer le reste de la vie, une voie pour servir, une spécialité réconciliatrice et non limitative.

Notre amour des plantes et de leur mission de guérison est porteur d’un mouvement créateur qui va droit au but.

Ce que nous créons avec le végétal, c’est davantage de vie pour tout ce qui est. Un enrichissement par l’expansion des liens d’âme. L’engagement, c’est s’unir à l’autre ou à la cause, avoir le courage de ses convictions. C’est accepter gracieusement de porter, participer avec intérêt, briser l’isolement en faisant partie de la solution.
  
Quand on partage un engagement avec un réseau, cela nous aide grandement à vaincre l’inertie qui nous menace afin d’amener un nouvel équilibre dans notre vie, grâce aux forces de courage et de volonté contactées par osmose ou par …contagion?... L’herboristerie traditionnelle est tout un monde. Le tout est plus que la somme des parties. Participer au tout nous oblige à une très grande authenticité car il est facile de se créer des personnages, de se croire là où l’on n’est pas encore. Et alors le réseau nous rend plus humble, nous ajuste, nous propose nos propres pistes de guérison. On apprend à éviter la trappe du dogmatisme. On dépasse sa résistance au différent. On se familiarise avec la mince ligne qui existe entre conviction et ouverture afin de suivre sa vision sans obsession, sans esprit de clocher. On développe de plus en plus de confiance dans cette boussole interne qui nous permet, tout en carburant au changement, de demeurer bien aligné avec notre propre convention.

« L’affinité élective est la parenté des idéaux communs, la communion de l’idéalisme cultivé ensemble. Plus les idéaux d’un homme sont vastes et humains, et plus son affinité élective concerne toute l’humanité. » (Pietro Archiati)

On se rend compte qu’on n’est pas seul à avoir cette soif de plus de justesse dans sa vie et dans la société, et de plus de profondeur. Cela contribue à mettre en action nos forces vitales et  ajuste constamment notre idéal et notre quotidien. Cela procure des repères à notre implication.

Ensemble, dans le décuplement de notre engagement, nous pouvons tant! Et l’affinité élective qui nous rassemble dans l’égrégore de l’herboristerie traditionnelle que nous formons nous conduit assurément à la conscience élargie d’une appartenance encore plus grandiose. Nous n’avons pas fini de cheminer ensemble. En amour avec les plantes! Ce fut, c’est et ce sera un bien beau voyage.

Gardons espoir dans l’à-venir de la Vie, en son engagement à porter fruits!

Qu'un nid de confiance, de bonheur, d'autonomie, de patience et de réconfort nous abrite en ces temps si bouleversants et reflète lumineusement notre Engagement!



10 septembre 2011





Le temps n'est pas encore venu de dire la sagesse de l'été.
Par Danièle Laberge

            L'été me pousse, l'automne m'aspire. Je me sens le plus souvent comme une feuille au gré du vent. Ce que je planifie de faire ressemble rarement à ce que je fais vraiment. Tout simplement, je me laisse guider. Heureusement. Les jardins sont encore débordants de vie et les récoltes sont pourtant presque finies. L'abondance et la générosité de la terre m'émeuvent toujours au plus haut point. C'est peine perdue. Nous ne réussirons jamais à rendre ce qui est donné. Et pourtant, nous laissons souvent la vie croire qu'elle nous doit quelque chose alors qu'au fond, n'est-ce pas nous qui toujours devons? Acte d'humilité... Devant tant de sollicitude et d'inestimable bonté.
            J'aimerais écrire ici des choses profondes comme le ciel de fin d'été, exubérantes comme les capucines qui n'en finissent pas de s'éclater,  des choses belles comme les échinacées aux coeurs spiralés, des choses élevantes comme les passeroses qui se haussent à des hauteurs inégalés, des choses touchantes comme les derniers pavots de l'été.
            Mais je n'ai pas eu le temps de les faire mûrir aux derniers rayons chauds. J'étais trop occupée à regarder pousser les centaurées, s'étoiler les edelweiss, se clocheter les campanules et flamber doucement les calendules, les douces aimées. J'étais trop occupée à mesurer l'effet bienfaisant des pluies abondantes,  à mettre des poudres cristallines et des élixirs de fleurs dans le baril à brasser, à voir filer les étoiles et à absorber de partout la rosée miraculeuse des matins embrumés. Trop occupée à cueillir par monts et par vaux et à déguster framboises bien mûres, tomates juteuses et basilic parfumé.
            Alors j'accepte de me sentir frivole comme courgette enamourée, douce comme mauve ensorcelée, tendre comme cosmos en liberté, vive comme colibris en bien d'aimer. Et je le dis à qui veut l'entendre. De tant être, de tant sentir, de tant vibrer, je n'ai plus tellement envie d'écrire ni de parler.
            Ces derniers jours, il a un peu gelé. Et j'ai perçu, en mon intimité, la crainte de voir tout cela s'en aller. Je repousse éperdument le premier matin de grande gelée, les fleurs figées, cristallisés, au summum de leur beauté qui, dans quelques heures, sera fanée. Ah! Prolonger encore l'été! M'abreuver au vert des collines et des prés. Retenir une à une les feuilles du petit chêne. Pas si vite, verges d'or, eupatoires, spirées. L'automne n'est pas encore tout à fait arrivé! Mais peut-on empêcher un coeur d'aimer, une fleur de se dépenser, d'embaumer au profit des abeilles dorées et du vent, leur amant. Peut-on empêcher une plante de se résumer, de se synthétiser en graines bien protégées?
            Quand à moi, j'aurai bien le temps, par les soirs froids d'hiver, par les matins gelés à attendre que le soleil revienne, j'aurai bien le temps de faire mes synthèses et de les déballer, comme autant de trésors, comme autant de graines déposées au coeur de mon été. Mais comment faire la synthèse de ce qu'on n'a pas fini d'explorer, de ce qu'on n'a pas encore expérimenté. Il faut d'abord avoir vécu intensément au présent, toutes les leçons et toutes les manifestations.
            Autrefois, j'essayais de faire les synthèses au fil du mouvement. Et j'en avais le mal de mer, le mal au temps, le mal d'avant Et j'en oubliais de vivre ce que je voulais tellement comprendre pour pouvoir vite le partager. Aujourd'hui, je me donne le droit d'être autrement. Et ne me demandez pas de faire la synthèses des acquis de l'été tant qu'il en reste quelque chose à savourer. La dernière fleur de l'année est toujours la plus belle car on la croyait morte et elle est comme une grande amie ressuscitée.
            Alors, vous comprenez, je me donne le plaisir de l'étape, je m'adonne à sa joie. La synthèse viendra bien assez tôt. Elle sera mon exercice de passage. Et le passage dont je parle ici n'est pas pour aujourd'hui. Les fleurs me l'ont dit. Les pois de senteur font encore de leur mieux la tâche qui leur est propre. Et moi, je les respire au soir couchant en me disant que j'ai bien de la chance d'apprendre à recréer le paradis perdu à chaque année et d'y parvenir, grâce à l'amour et à la solidarité, grâce à l'union des règnes en toute confiance et en toute amitié.
            Et même si l'héliotrope s'est gelé le bout du nez, elle est presqu'aussi belle et je dois prendre le temps de la sentir et de l'admirer avant la prochaine gelée.
            Alors, pour la synthèse, vous reviendrez. Au coin du feu de cheminée, je vous la présenterai. Car pour que la synthèse s'accomplisse, il faut que ce qui se vit dans la matière puisse s'intégrer et retourner à l'Esprit, comme les jardins retourneront à leur Mère la terre. J'unis toute la matière diffuse en un point au coeur de mon être. Je fais vivre la nature sur un point d'orgue. Et je l'aime maintenant car c'est au présent qu'on touche l'éternité.
            Aujourd'hui, c'est encore l'été. Comme la cigale, je vais chanter. Plus tard, les racines récoltées, les plantes bien paillées, la neige tombée, je vous raconterai ce que m'ont dit les fées, ce que m'ont confié les fleurs, au fil de leur merveilleux rêve incarné.



Premier Juillet 2011
Sans unité, pas de magie
Croissance protégée pour les futurs pois mange-tout

Par Danièle Laberge

Comment peut-on sélectionner des plantes spécifiques comme étant des plantes de la magie ou même des plantes magiques. Nous le savons, nous les herboristes, nous les ‘vegetalistas’, les proches des plantes de médecine: elles sont toutes magiques. Quand la bonne plante rencontre la bonne personne au bon moment, les étincelles de guérison qui se produisent sont des reflets d’une magie si profonde, si ancienne et si persistante que toutes les lois et les règlements du monde n’arriveront pas à la menacer. Nous ne pourrons jamais nous séparer des plantes car elles font partie de nous comme nous d’elles. La simple existence des plantes est magique comme l’est le fait que nous soyons en symbiose et en interrelation aussi intime, tout en étant si différemment constitués, d’un règne à l’autre. Ce matin, alors que je me penchais sur la nécessité d’écrire cet article, j’ai pigé une carte de Gaïa qui a replacé les choses à la bonne place dans mon esprit.

« Le miracle (la magie), c’est que des univers entiers se blottissent au cœur des graines. Les germes qui en sortent, les plantes qui s’en dégagent et les fleurs qui s’en épanouissent, sont les reflets d’univers d’Amour dont vous ne pouvez même pas imaginer la splendeur. »

Les plantes sont magiques. Elles sont des grands mages qui savent, lorsque nous les accueillons, établir une communication, une communion et une transmutation de forces, une inexplicable alchimie du vivant. Elles n’ont pas la limite que nous leur supposons. Tous ceux et celles qui, depuis l’aube des temps, se sont penchés sur elles avec l’attitude juste, le respect et l’humilité pré requis, ont reçu et reçoivent encore d’elles des enseignements extraordinaires. De cette connaissance du dedans jaillit ce qui peut sembler magique, mais qui est en réalité le fruit de leur profonde et inaliénable amitié pour nous, les humains. Combien de temps encore durera cette magie? Les plantes que nous mutilons maintenant seront-elles encore aptes à communiquer? Je l’espère et je le crois. C’est notre amour qui les préservera. Notre respect de leurs semences, notre attention à leur appel au secours, les havres que nous créons pour elles, les vies que nous leur dévouons.

Nous avons besoin du point de vue unique des plantes. « Pour la pensée qui prévaut de nos jours concernant le principe de la réalité, rien ne saurait être plus grande folie que de croire que les bêtes et les plantes, les montagnes et les rivières pourraient avoir un point de vue. » (Theodore Roszac ) Et pourtant, ce n’est qu’en adoptant consciemment ces points de vue que l’on peut développer une intimité avec les autres règnes, les aider, les soigner au besoin, les reconnaître suffisamment pour en partager les innombrables bienfaits avec nos frères et sœurs souffrant(e)s.

La base même de la magie, c’est la capacité de penser et d’agir à partir de l’unité. La magie est un processus qui permet de créer des liens, des alliances, un bonding, comme on dit si bien en anglais. Tant et aussi longtemps qu’on perçoit qui que ce soit et quoi que ce soit comme séparé de soi, on n’a pas droit d’entrée. On n’a aucun pouvoir de comprendre ni d’assister. On est étranger et les secrets de famille ne sont jamais révélés aux étrangers.

«Le futur désastre écologique dont tant de gens s’inquiètent s’est déjà produit, et continue de se produire. Il se situe là où nous voyons notre place comme étant séparée du reste du monde.» (James Hillman) Tant et aussi longtemps que par l’éducation, on enseigne que les autres règnes ne sont pas aussi vivants que nous et sont de moindre importance, plus on devient aliéné de la nature sauvage, et moins on se rappelle comment initier le code génétique encodé pour aimer et prendre soin, pour trouver ses véritables liens avec la vie. Nous ne pourrons plus longtemps ignorer que nous avons une affinité émotionnelle encodée génétiquement ou innée avec toutes les autres formes de vie sur Terre.
Au centre de toute chose et de tout être, il y a l’esprit. Une force unificatrice sacrée sous-tend tout ce qui est. Toute matière provient de cette substance. Le sacré se manifeste dans le physique. Parce que toute matière est composée du sacré, toute chose possède une âme, une intelligence sacrée, un logos. Parce que l’être humain est aussi composé à partir de cette même substance, il lui est possible de communiquer avec l’intelligence ou l’âme des plantes et de toute autre matière créée et il leur est possible, en retour, de communiquer avec l’humain.

Je ne veux surtout pas me faire croire, ni faire croire à qui que ce soit, que ma croyance en la magie et en ma capacité d’en faire me placent à part des autres. C’est une faculté que nous avons tous et dont nous nous servons tous à notre façon, selon la tâche qui nous incombe et le karma qui nous guide. Créer la réalité de notre vie est de la plus grande magie, mais c’est une arme à deux tranchants. On peut s’en servir pour faire des merveilles de bonté, de beauté et de service à l’humanité. On peut aussi s’en servir, et c’est aussi de la magie, pour détruire, juger, anéantir, enlaidir et souiller l’humanité et les autres règnes alliés. Nous sommes tous des magiciens et des magiciennes. La magie, c’est ce qui rend possible la création de notre vie, quelle qu’en soit la forme.



Pour en revenir aux plantes, nos grandes amies, une de leur ultime magie est toute simple : Elles qui recréent les mêmes danses depuis des temps immémoriaux, nous aident à nous souvenir. Elles contiennent la mémoire de la saison précédente dans leurs semences mais de bien plus loin dans leurs formes, leur gestuel, leurs couleurs et leurs dons. Elles sont comme des greniers aux trésors remplis de mémoires des façons de voir et de ressentir venant tout droit d’autrefois. Elles nous aident à retrouver aussi bien des mémoires de la petite enfance que des mémoires des origines de notre vie et, du fait même, des origines de la vie.

Elles retissent pour nous la communion avec les générations qui nous ont précédés et qui ont eu accès à la vie d’une manière bien différente. Nos ancêtres ont découvert et apprivoisé les plantes. Comment était-ce possible, sans rien sur quoi s’appuyer : pas de transmission écrite, pas de tests en simple ou en double aveugle? En faisant des expériences, me direz-vous? Mais il y a tellement de plantes sur la terre. Comment procéder? Par élimination? J’ai essayé telle plante pour tel problème. Ça n’a pas marché. J’ai alors essayé telle autre. Ridicule. Il devait bien y avoir autre chose. Une autre façon. L’intuition, me direz-vous. Oui, bien sûr. Mais qu’était cette intuition? Comment se révélaient les dons des plantes? À l’origine. Avant que la transmission orale ne se mêle de s’assurer de la continuité.

Je vous dirai que c’étaient les plantes elles-mêmes qui se révélaient. Et à ce sujet, je n’ai aucun doute. Les ancêtres étaient conscients d’une manière différente de nous. Ce n’est pas que nous sommes moins conscients qu’ils ne l’étaient. Nous sommes conscients autrement. Nous allons de la matière à l’esprit alors qu’ils allaient de l’esprit à la matière. Encore faut-il que nous ne nous fassions pas prendre par la matière et par ses merveilleuses distractions, au point d’en devenir paresseux, de s’arrêter en route. Et de croire que le paysage qui nous est présenté est la vérité ultime, alors qu’elle n’en est qu’une réflexion dont l’objectif est de nous faire développer la volonté nécessaire à poursuivre l’exploration et la quête.

C’est très étroit d’esprit de croire qu’à chaque génération, la tradition intégrale doive seule être mise à service. La tradition s’additionne toujours de l’intuition et de l’exploration de la nouvelle génération, dont la conscience se transforme par rapport à la précédente. Sinon, ce ne serait que redite, et comme la vie change, la redite éventuellement perdrait toute actualité, toute crédibilité. Notre génération est-elle en train de faire admission du fait que nous n’aurions plus la voie ouverte pour les révélations? Chaque herboriste dont le cœur est ouvert par l'amour des plantes, peut et doit recevoir leurs révélations. On ne sait pas tout de la plante parce qu’on est au courant de la tradition… Il est des choses qui ne se transmettent pas. Il est des proximités auxquelles les mots ne peuvent rendre hommage. Il est des expériences qu’il vaut mieux taire pour éviter les coups bas de l’intolérance. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant de revenir à l’évidence. Le monde dans lequel nous évoluons est profondément vivant, et donc profondément magique. On ne sait rien de la vie en disséquant les plantes. On n’apprend pas grand chose de la vraie nature des êtres vivants en se consacrant à ce qui est déjà mort et hors du fleuve du vivant. On en apprend bien davantage en les regardant vivre au fil des ans. On peut tout apprendre quand on considère les plantes des maîtres. Elles peuvent faire de la magie. De la vraie magie et l’on n’a pas même besoin de les ingérer pour le ressentir si on a peur de se tromper ou de s’empoisonner.

Saviez-vous qu’au temps où Merlin était tout jeune, les habitants de Camelot avaient développé une peur terrible de la magie, au point de faire la chasse aux sorcières à chaque fois que quelque chose semblait hors du commun? Eh oui! Les chasses aux sorcières sont de bien plus loin et de bien plus longtemps que celle dont nous avons tellement entendu parler, celle du Moyen-Âge. La magie éveille tellement de peurs absurdes. De nos jours, une des grandes peurs est la peur de l’illusion. Amusant, d’autant plus que notre société toute entière est elle-même le comble de l’illusion! Ah! La peur viscérale de tout ce qui n’est pas explicable. Au point de renier, d’apprendre à ne plus voir ou ressentir ce qui ne répond pas à des critères scientifiques acceptés ou à des émotions permises… Nous vivons dans un monde où trop souvent, l'atmosphère spirituelle, si essentielle à la survie, est raréfiée. La magie, c’est quand on accepte de respirer au-dessus de la mêlée, de renouer avec nos racines subtiles, de réclamer notre héritage et notre pouvoir.

La magie vient de l’engagement envers la vie, l’expérience inconditionnelle et illimitée de la vie devant soi, sans théories. Elle émerge de la véritable pensée vivante, de l’échange primaire. La magie, c’est que la terre soit vivante. Toute entière. Et nous dedans. Qu’il n’existe pas cette division qu’on a créée entre êtres animés et êtres inanimés. Que tout est composé de vie. Que la vie est l’âme de tout ce qui est. Pour faire de la magie, il faut se prosterner devant la vie qui est devant nous. Vénérer la plante alliée, la pierre amie, la chaleur, la fumée, le ciel et la terre, les animaux de toutes sortes. Ceci prend le temps de l’apprivoisement. Mais nous sommes trop occupés, à regarder des parodies de la vie à la télévision, à relever des défis financiers, à prouver que nous valons quelque chose, alors que tout ce qui importe vraiment, c’est de se reconnaître de la vie. D’ouvrir son cœur au Grand Mystère, dit l’amérindien.

Pas besoin de la permission de personne pour faire de la magie, pour être un alchimiste, une personne qui voit le tout dans la partie, la Vie dans la manifestation de la vie, que tout conduit à l’Esprit. On a appelé cela être païen. Imaginez! Alors que c’était de la plus haute spiritualité. Mais la magie dérange… Et pourtant, elle est si simple et si…quotidienne. Faire un feu, c’est magique. Faire une tisane, c’est magique. La prendre et la digérer, c’est magique. En ressentir un bienfait. C’est magique. En guérir, c’est magique.

J’exige le droit de faire de la magie. J’exige que les recettes herbales qui me sont venues par l’inspiration aussi bien que par l’expérimentation, aient le droit de vivre et de soigner. J’exige que la conscience soit reconnue comme une forme au moins aussi valide que la science pour appréhender la vie. Le plus grand affront de nos jours semble être quand on dit de toi ou de tes œuvres : Pas scientifique… Superstition, ignorance… On renie le fruit d’une expérience directe et réelle. L’admettre voudrait dire qu’il existe d’autres façons d’entrer en relation avec la connaissance que par l’intellect et la méthode scientifique. Et pourtant la découverte du double hélix, de la double spirale de la structure de l’ADN a été découverte non pas par l’analyse, mais dans un état de rêve, absolument et parfaitement. Et ce n’est là qu’un exemple.

Je sais pertinemment que la magie est bien autre chose que l’effet placebo. Je connais des gens magiques, des plantes magiques, des moments magiques, des… La magie n’est que ce qu’on ne réussit pas à exprimer avec des mots ou qu’on choisit de ne pas mettre en mots pour en préserver toute la pureté. Elle n’est pas le privilège de quelques-uns mais le privilège de tous ceux et celles qui croient en elle et en sa validité. Faire un élixir de fleur et l’offrir en le vaporisant à une terre massacrée, à une coupe à blanc, c’est faire de la magie blanche. J’y crois. La magie blanche, c’est cet élan qu’on a de faire quelque chose pour ce qui souffre, même quand il semble qu’il n’y a plus rien à faire. Spirituellement, il y a toujours quelque chose à faire. Pour prouver son amour par des gestes sacrés et simples comme la vie elle-même.

Devant la détresse écologique, il faudra faire de la magie blanche. Trouver les mots qui transforment, les gestes qui réconcilient, les pensées qui sauvent. La magie blanche, c’est de savoir tout simplement que la guérison ne provient pas directement de la prise de substance, si naturelle et si pure soit-elle, si puissante aussi, mais qu’elle vient d’ailleurs, de cet ailleurs de l’être. Pas de forces obscures et potentiellement dangereuses mais du meilleur de soi-même ayant son siège au cœur et à l’origine de chaque être vivant. Étonnamment tous ceux qui avouent leur affinité avec la magie blanche ont aussi un immense respect de la vie et de l’environnement.

La pensée magique cependant peut être un  réel obstacle à l’évolution de l’humain. La pensée magique est tissée d’instantanéité et de l’action d’une force extérieure à soi-même. La pensée magique peut être une remise de ses pouvoirs à une forme d’autorité temporelle. Elle peut aussi signifier qu’il n’y aura aucun effort à fournir et laisser la personne plus démunie qu’avant. La pensée magique peut être une distraction, une omission, une faiblesse. Elle peut aussi, parfois, être l’acceptation de l’interdépendance. La confiance. La foi. L’espérance en action.



La magie ne vient pas sans la responsabilité. « Nous pouvons bien apprendre les plantes scientifiquement, comment nommer leurs parties ou comment elles poussent. Mais nous ne faisons pas le prochain pas qui est de parler de la manière dont nous devons prendre soin d’elles ». (Felipe Molina, éducateur Yaqui) Tellement de connaissances traditionnelles et intuitives se perdent maintenant, à une vitesse affolante, remplacées par des logiques analytiques qui ne prennent pas la vie en considération.  « Revitaliser les façons d’apprendre empiriques honorées par le temps, au sujet du monde que nous habitons pourrait être aussi important pour notre futur que les nouvelles manières d’apprendre constituées par les ordinateurs et l’Internet. » (John Tuxill)

La magie ne fait pas peur aux jeunes d’aujourd’hui. Ils veulent y croire. Ils ont besoin d’y croire afin de faire face à ce que nous sommes en train de leur laisser comme héritage défroqué. La génération des Harry Potter sait que des forces sont à l’œuvre qu’on ne voit pas et qui peuvent être activées du dedans afin de survivre au matérialisme déroutant et déracinant. Ils auront à se poser la dérangeante question suivante : « Quels actes dois-je poser afin que l'humanité accouche d'un dénouement heureux? » (Henry Quinson) Ils porteront une lourde responsabilité qu’une bonne partie de nos générations ont occultée. Ils devront créer la survie de la terre et la continuation de l’humanité. « La destinée ne vient pas du dehors à l'homme, elle sort de l'homme même. » (Rainer Maria Rilke) Elle trouve son origine et son aboutissement dans la plus haute magie confiée à l’être humain, celle d’être un co-créateur.


17 juin 2011
L’incomparable pavot bleu de l’Himalaya

Bouton de pavot bleu
par Danièle Laberge

Je me suis tapé depuis de nombreuses années de véritables crises de pavots bleus de l’Himalaya (Meconopsis betonicifolia). Dix fois au moins, j’ai essayé sans grand succès. Ils sont capricieux, ces pavots.... Je voulais tellement que ces fleurs, qui parlent si tendrement à mon cœur d’amoureuse de l’Himalaya, se sentent chez elles dans mes jardins. Si souvent j’ai semé des graines de cette tendre merveille qui n’ont pas levé ou dont les germes, quelques misérables cotylédons miniaturisés, ont fondu peu de temps après leur timide émergence. Ces semences, je leur faisais subir, selon les conseils des pros, toutes les injures et toutes les initiations de graines possibles: hiberner au frigo, au congélateur, au caveau, à l’étable, dans de la vermiculite, des essuie-tout mouillés, du fumier de yak (bonne chance pour en trouver...), et j’en passe.

Il y a quelques années, au fil de mes explorations « pépiniéristes », j’ai trouvé quatre plants pas trop mal fagotés, ma foi. Imaginez ma joie. Je les ai achetés sans discuter le prix et leur ai trouvé une place de choix dans les serres où ils ont semblé progresser, quoique fort lentement. J’ai lu tout ce que je pouvais trouver sur le sujet et même, sans me décourager, un article rigolo au « timing » mélodramatique de Larry Hodgson, journaliste horticole et réputé « jardinier paresseux » de la revue Plantes, Fleurs et Jardins. Il écrivait dans son article intitulé « Foutu pavot bleu » : « Je ne veux plus jamais cultiver une plante aussi chiante ! Des défis, j’en ai déjà assez dans ma vie. Je laisse le foutu pavot bleu à d’autres ». Sa conclusion ? « Oui, le pavot bleu est beau, mais la vie est trop courte pour s’embarrasser d’une plante aussi capricieuse. »

Pour ma part, j’avais déjà décidé de laisser la seule plante qui montait timidement en boutons faire librement ses fleurs et produire ses semences, avec l’espoir :
1-         De photographier la merveilleuse et fugace fleur bleue
2-         De resemer ses graines en un coin protégé. (« Je ne crains rien...J’ai des griffes », disait la fleur du Petit Prince. Mais pas sa sœur Pavot bleu...)

Quant aux trois autres plantes, je n’allais pas leur permettre de monter en fleurs, pour leur donner le maximum de chances de survie.


Éventuellement, le cadeau du pavot bleu!

 Pour la photo, j’allais devoir attendre encore. J’en ai bien eu quelques-unes de boutons de pavot bleu de l’Himalaya, dont le bleu virait au lavande. J’ai même obtenu un cliché de deux fleurs de pavot bleu aux pétales froissées comme des petites vieilles des pays trop ensoleillés pour mériter les lisses visages des adeptes de l’Oréal boréal... J’avais déplacé le plant de la couche froide où il se préparait lentement pour sa transplantation au jardin, tout en bas de la rocaille du Bouddha, afin qu’il ne se sente pas dépaysé. J’avais hâte que les pétales se défroissent au soleil du matin.

Quand les responsables de la serre sont arrivées, je leur ai confié mon bébé, demandant d’être informée dès que le «défroissement» serait complété. Quelques heures plus tard, n’y tenant plus, je me suis dirigée avec ma caméra, en impatiente que je suis, vers la serre abritant...rien du tout... La plante avait été ramenée dehors ...par mégarde. Il ventait à écorner des bœufs, et il ne restait pas le moindre pétale sur la plante de pavot bleu de l’Himalaya... J’étais trop estomaquée pour faire la moindre remontrance.

Endeuillée, j’étais repartie vers les jardins printaniers où les tulipes (pas en manque celles-là, on en avait planté 6 000 bulbes l’automne précédent) m’ont de leur mieux consolée. Il paraît qu’être
un optimiste, c’est de planter deux glands de chêne et de courir s’acheter un hamac. Que dire de s’acheter des plants de pavots bleus, et d’espérer les voir pousser...  J’ai eu beau prier pour qu’ils soient encore là et fleurissent l’année suivante, ce fut peine perdue. Il ne me restait plus alors qu’à me payer, en inconsolable, une virée désabusée et même envieuse dans les Jardins de Métis, où ils sont installés depuis des lunes.

Mais j’ai recommencé et cette fois, Dieu seul sait pourquoi, ce fut un franc succès. J’ai obtenu 9 magnifiques plants à partir de la graine. Je les ai installés au pays des pierres, comme les enfants appellent l’îlot développé autour des pierres ramassées dans les jardins au fil des ans et où se complaisent, sous la voûte de grands arbres, les petits prêcheurs, podophylles, fougères, trilles et autres plantes de sous-bois. L’été pluvieux qui nous a été alloué l’an dernier leur a réellement plu (sans jeu de mot). Ils sont devenus solides et superbes. Ils ont apprécié l’hiver et sont revenus en force ce printemps, sans exception.

Et ils fleurissent maintenant à qui mieux mieux. Je passe de longs moments à les regarder. Ils me nourrissent l’âme. Et je les ai photographiés sous tous les angles et toutes les lumières...juste au cas... On en a fait un élixir de fleurs. J’ai comme le sentiment qu’ils sont ici pour y rester... On verra bien. Je leur récite des «Om mani padme hum» sur tous les tons... Et je les protège...comme la prunelle de mes yeux.

Le pavot bleu de l’Himalaya (Meconopsis betonicifolia)

L’élixir floral confirme les aspects suivants de l’être:
- Survie en cas d’extrêmes conditions
- Ancrage pour mieux s’élever
- Appel de lumière
- Résilience et souplesse
- Engagement spirituel à toute épreuve
- Fidélité à sa nature profonde
- Espoir inaltérable
- Force tranquille et endurance
- Dévotion et piété
- Persévérance du visionnaire
- Conscience de ses limites permettant seule 
de les dépasser sans se faire violence
- Patience éveillée
- Intériorité et écoute
- Humble noblesse

Yeux bleus de ma belle chatte himalayenne Douce
et élixir de pavot bleu de l'Himalaya





26 mai 2011
Bourgeons de saule japonais
Illico, la joie! Subséquemment, tout le reste!
Par Danièle Laberge,

herboriste traditionnelle


C’est dimanche. Il fait tellement beau. Ce matin, j’ai divisé des plantes que je cherche à sauver de l’envahissement de mes jardins d’antan : stachys macranta, pyrètres, veronicastrum, hémérocalles, etc. Le temps achève où il sera encore possible de les installer sans trop de choc dans les quelques îlots que j’ai choisi de maintenir, maintenant que je suis seule. 


Dans la serre, quelques petits plants repiqués en caissettes attendent que je sois prête à les installer aux espaces prévus : calendule des champs, anémones du Canada, hellébores, bourraches. D’autres que j’ai semées à la graine attendent d’atteindre la taille requise : elles ont dû s’adapter à une serre sans chaleur ajoutée en ce printemps qui ne fut pas des plus caloriques ni des plus ensoleillés!

Les pissenlits ont gobé tous les espaces possibles, et, tout comme eux, le chiendent, les valérianes, grandes berces, violettes, orties et digitales. Les plantes printanières ont quand même été superbes, et les bulbes ont élaboré leur magie fort appréciée. L’hydrate du Canada et les actées sont particulièrement radieux, les sauges reverdissent tout comme le thym. Les pois et les mange-tout ont parfaitement germé grâce aux nombreuses pluies. Les épinards et les salades garniront bientôt nos assiettes vertes.

Le bonheur, quoi!

Les oiseaux-mouches sont de retour, les chardonnerets s’affairent, les canards enchantent encore l’étang et s’envolent dès qu’on s’en approche, les grenouilles s’époumonent toutes les nuits. La myrrhe odorante et les monnaies du pape commencent à fleurir, les pruniers sont suavement parfumés et vibrants de visiteurs ailés quand le temps le permet. La beauté est partout. Et j’essaie de m’habituer au nouvel ordre des choses. Mes pensées donnent la couleur au monde dans lequel je vis.

Ça brasse tellement partout sur la planète qu’il faut en arriver à relativiser les choses simplement pour survivre à la démence qui nous est présentée sur tous les plans. Le monde actuel est tellement inquiet, fragilisé et instable, démentiel même. Dans l’esprit de la solidarité, cela nous atteint, même si on n’écoute pas les nouvelles ou qu’on se cache dans le fond de nos rangs sans pour autant être délestés des retombées d’extrêmes péripéties du voyage humain.

Il demeure que de tous ces séismes, l’épicentre est d’abord en chacun de nous. Il nous revient de ne pas sombrer, de cultiver une nouvelle souche vivace d’optimisme, un optimisme qui ne provient plus de l’extérieur mais de la promesse contenue dans le secret de nos cœurs. La promesse d’un monde meilleur, d’un monde de conscience, d’une conscience qui change irrésistiblement que ce soit avec ou sans nous. La graine de vie a tellement besoin de notre foi et de notre silence pour demeurer viable, pour que l’héritage divin qui est blotti dans le vivant confirme ses racines en nous. L’écologie primordiale! Celle qui permet d’évacuer le parasitisme du mental apeuré en ouvrant à l’expérience de la profonde et résonnante symbiose avec le vivant.

Je poursuis ma retraite stratégique de guérison. Ça me vient naturellement. Je n’ai plus tellement envie de me tailler une place, de me faire valoir, de m’expliquer, de choquer, de dérouter, d’influencer, de m’adapter à ce qui n’est pas ma voie… pour le moment. Je n’ai pas le goût d’être efficace, entreprenante, de canaliser mon énergie, (heureusement moins profuse qu’elle a déjà été) au profit de causes qui, malgré toute leur respectabilité, ne me conviennent plus tout à fait. La ligne est si fine, la fidélité à son appel si cruciale. Serais-je en train de devenir asociale? Krishnamurti écrivait si justement : « Ce n’est pas un signe de bonne santé d’être bien adapté à une société profondément malade. »

Sur le bureau de mon ordi, j’avais depuis des années un dossier toujours rempli à craquer. Je l’avais nommé ILLICO! À faire… hier. À finaliser tout de suite. Une foule de FAUT QUE. J’ai changé son titre. Adieu ILLICO! Le dossier a été rebaptisé et s’appelle maintenant Subséquemment. J’aime bien ce mot. Il a le temps. Le temps de choisir son moment, celui dont l’heure est venue, d’appliquer le mouvement approprié en réponse à l’énergie présente et non en fonction de l’énergie provoquée au détriment de sa vérité. Subséquemment, c’est l’ensuite permis. Je ne m’impose plus la démesure de mes attentes de moi-même, ni l’absolutisme de mes engagements. C’est une nouvelle forme d’abandon pour une personnalité A à Z comme la mienne. J’ai toujours été une personne de service et d’action (familiale, sociale, etc.) Une personne de défis et de projection. Une personne qui s’en demandait beaucoup plus que ce que ses guides intérieurs ne lui en proposaient. Une personne missionnée qui menait ardemment des projets considérables à terme. Mais ça ne m’appelle plus. Je change. Il fallait bien que je change afin de poursuivre cette vie, afin d’élargir mon exploration, afin d’accueillir la nouvelle étape.

Entrer dans une phase exigée de Z à A, c’est d’abord très douloureux. Toute contraction ressemble à la fin de tout. On ne peut plus justifier notre existence par ce qu’on a fait, par ce qu’on a été. On apprend peu à peu à être et au début, cela semble sans objet. Ça ne fait plus de sens. On ne peut jamais tourner une page de sa vie sans que s'y accroche une certaine nostalgie : la nostalgie de l’avant ou de l’après anticipé, de l’au-delà du maintenant, la nostalgie de la finalité de notre vie, de la certitude… La parfaite disponibilité, apprendre à frayer avec le non-désir, même celui de survivre à sa propre vie, c’est d’abord une forme de profonde détresse qui ose parfois même se déguiser en refus de continuer. S’abandonner, lâcher, ne s’attacher à rien, pas même à l’idée que nous pourrions savoir que notre mandat s’achève, c’est vraiment ce qui a été appelé la mort du chaman. Et pourtant ce refus de continuer, si chargé d’ultimatums, n’est qu’une étape. N’étant pas une bonne préparation pour les passages, ni même pour la mort physique, il conduit à une autre phase, celle d’accepter de continuer, même en l’absence du sentiment d’accomplir quoi que ce soit.

Je sais, nous n’avons plus tellement de temps maintenant pour les détours… Mais qu’appelle-t-on un détour? Ce n’est jamais un détour de vivre davantage d’apaisement, de faire taire le débat intérieur conduisant trop souvent à la débâcle intérieure, de respirer en paix. Je ne sais plus trop qui écrivait : « Ne me secoue pas… Je suis plein de larmes… » Ce n’est jamais un détour de choisir le chemin qui conduit le plus directement possible au cœur de soi.

Où allons-nous en tant qu’humanité? Le temps se fait court pour les projets. La survie matérielle ne vaut pas l’inquiétude qu’on en porte, ni la lassitude. Ces grands chamboulements intérieurs étaient à pré-voir. Le temps se fait court. La vieille conscience ne tient plus la route. Qu’est-ce qui vient? Pas la moindre idée. Peut-être, éventuellement, si on en reçoit la grâce, le mince espoir de la transmutation… Ce que la chenille appelle la fin du monde, c’est le papillon. Ce que le papillon appelle la fin du monde, c’est…??? Ah! Apprendre à n’être qu’une personne parmi 7 milliards de personnes déboussolées… Comprendre que ce n’est pas tant les humains qui ont besoin de nous maintenant, mais que c’est le monde spirituel qui tient énormément à ses émissaires les plus éveillés ces temps-ci. Si peu d’humains croient en leur port d’attache et encore moins le connaissent.

Alors puisque j’ai le temps, alors puisque je le veux, je choisis la Joie. La vraie. Je libère de la place en moi pour qu’elle établisse son domaine comme jamais auparavant. Je choisis la Joie! La joie sans rimes ni raison. La joie qui ne s’explique absolument pas, qui coule de source. Pas la joie qui va et qui vient en répercussion à nos émotions ou à nos pensées. Celle qui persiste, celle qui demeure, même si parfois, elle s’enfouit si profondément en nous qu’il devient plus ardu de se rendre jusqu’à elle. La vraie Joie qui ne provient pas de l’extérieur. Celle qui est constante en soi, en son for intérieur, dans le secret de son âme. La joie des choix de vie endossés, du destin embrassé, des résistances vaincues par l’amour.

« La joie qui a besoin d’une cause, ce n’est pas la joie, mais du plaisir. » (Gustav Meyrink)

Il existe tant de mots qui ressemblent à la joie, sans l’être pour autant : allégresse, bonheur, gaieté, jubilation, satisfaction, liesse, contentement, ravissement, plaisir, exaltation, ivresse, délice, enchantement, réjouissance, félicité, jouissance, euphorie, etc.

La joie vient de l’intérieur à la rencontre de la personne qui sait communier au Vivant, qui sait qu’elle sait comment faire et qui établit comme priorité de le vivre quotidiennement. « Celui qui ne communie pas au banquet de la Vie souffrira de malnutrition jusqu’à la fin de son monde. Même les Anges resteront vainement à attendre les mains pleines! » (Gérard Bossy)

La joie vient de l’intérieur à la rencontre de la personne qui sait que la trame de la toile de sa vie est l’Esprit. Tout le reste qui s’y tisse, les joies, les peines, les succès, les défaites, ne sont que des exercices qui contiennent, dans le profond d’eux-mêmes l’essentiel qui m’habite, le Divin, mon être foncier éternel. La joie vient de l’intérieur à la rencontre de la personne qui accepte de changer. Changer, n’importe quoi mais changer. La joie répond au fait de repousser la frontière du connu, d’explorer l’inconnu, d’assouplir nos rigueurs. La joie vient de l’intérieur à la rencontre de la personne qui, devenant consciente de son essence, commence alors enfin à percevoir l’essence de l’autre. Cette joie, c’est un peu comme accéder à la fraîcheur de l’ombre après une très longue marche au soleil ou arriver au soleil après avoir traversé une sombre forêt. La joie réconcilie ce qui s’oppose, elle révèle l’harmonie retrouvée des contraires.

Je choisis d’être cette personne joyeuse, endossant une spiritualité vivante, ouverte, et faisant confiance en une guidance innée pleine de sagesse. Je sais que tout est spirituel, même ce qu’on appelle le mal, qui, comme le disaient les Mikaels, n’est au fond que le temps. Le temps d’acquérir maturité et sagesse, le temps de retourner à la source après les longs détours. J’endosse ma nature méditative, ma soif de recueillement. Je m’émerveille du moment présent qui est la perfection même, même s’il me blesse ou m’irrite. Je reconnais que tout le bien, tous les biens de ma vie sont l’œuvre de la grâce, cette féérie qui a son propre rythme, son propre agenda.

La plus grande grâce à mes yeux, c’est que je sois très liée à la terre. J’éprouve une joie immense à voir pousser les plantes, se dérouler les spirales des fougères, se déployer les feuilles des arbres, se desserrer les bourgeons, se colorer les fleurs. Un chant d’oiseau me transporte, un lever de soleil m’embrase, la moindre trace de beauté m’imbibe de la gravité de cette joie qui libère le souffle et m’aide ainsi à développer davantage de bonté attentionnée. Quand je m’incline sur une plante, je me penche sur mon livre de prières. Non, je ne prends pas le manteau pour le Souverain, mais je vois le Souverain dans son manteau.

Je ne cesserai jamais d’essayer d’être digne de tout ce qui m’est prêté. Je ne cesserai jamais de porter le virus de la vision spirituelle de la vie, d’être un « témoin de la Présence ». Je ne cesserai jamais de cultiver l’étonnement perpétuel. Je ne cesserai jamais d’être joyeuse pour…rien… D’être joyeuse et juste au bord des larmes. D’être une terre de vie.

« Je suis très sensible à la beauté d’une terre labourée. Une raie de charrue recouverte de la rosée givrante d’un matin d’hiver peut m’émouvoir avec une profondeur indicible. La lumière d’un rayon de soleil sur un caillou mouillé me fascine, et à chaque nouvelle expérience de ce genre, je n’en sors pas indemne… » (Le Père Matthieu)

26 mai 2011
Tulsi et radioprotection

Basilic sacré

En conséquence des évènements nucléaires récents au Japon, l’exposition aux radiations est redevenue une des plus grandes préoccupations de ceux qui vivent près des centrales nucléaires et même, de ceux qui comprennent que tout est lié sur la terre et que, loin ou près, on est tous affectés. Aux Etats-Unis, reflétant cette préoccupation, tout le monde s’est précipité pour acheter des tablettes d’iode radioprotectrices au quadruple du prix habituel, malgré le fait bien médiatisé que l’action des capsules d’iode n’est efficace que durant 24 heures.…

J’ai toujours adoré le basilic et respecté profondément le basilic sacré, le fameux Tulsi. Une plante qui s’est vue confier depuis des siècles la mission de garder les demeures en Inde et de les protéger de tout a très certainement mérité ses lettres de noblesse. Elle EST bien davantage que ce qu’on lui reconnaît de vertus dans le monde matériel des principes actifs… Je ne saurais imaginer mon jardin sans quelques-uns de ses valeureux buissons.

Elle fait l’actualité ces temps-ci.
Aurait-elle des effets radioprotecteurs?
Feuille et fleur de basilic sacré

(May 13, 2011)
http://www.satyacenter.com/radioprotective-effects-tulsi

Les effets radioprotecteurs du basilic sacré sont très bien documentés et la médecine ayurvédique fait grand cas de sa valeur. Des recherches récentes reconnaissent à l’extrait aqueux (infusion) de la plante une efficacité indéniable comme antioxydant et destructeur de radicaux libres, lui conférant la capacité de protéger le corps contre les radiations. Les 3 variétés de basilic sacré ayant prouvé leur compétence sont le basilic sacré que nous conaissons ici, soit Ocimum sanctum, le basilic Sri ou Rama et le basilic Ocimum gratissimum, connu en Inde sous le nom de basilic Vanu. Les résultats des études furent présentés au « Indian Science Congress » dès 1986. On la présentait comme étant une plante dont les effets thérapeutiques reconnus sont très nombreux, en plus de sa capacité de protéger des radiations. Une adaptogène de classe, stimulant l’immunité, antivirale, réduisant le stress et les multiples maladies qui en relèvent, régulatrice du cholestérol et du taux de sucre et puissante protectrice du foie.

Un livre sur le Tulsi discusse en détails la valeur incontestable du basilic sacré pour la santé : Tulsi, The Mothert of Medicine » par les Docteurs Narendra Singh, Yamuna Hoette et Ralph Miller, 2002, International Edition

D’autres plantes peuvent être utiles : la menthe, la mélisse, le curcuma, le ginseng, le gingembre, le romarin, le gotu kola et surtout les algues détoxifiantes comme les laminaires. Certains aliments offrent aussi une protection : les betteraves, les épinards, la famille du chou, les pamplemousses, les abricots, etc.

Rhubarbe émerge
26 avril
L'émergence du printemps
par Danièle Laberge
Herboriste traditionnelle


Ce qu’elle est inspirante, l’émergence, ce printemps! Chaque nouvelle apparition végétale, avec laquelle nous partageons un regard ému, semble nous présenter une facette de la vie, une facette de nous-mêmes que nous retrouvons avec une gratitude éperdue. On n’est jamais aussi vivant que lorsqu’on sait qu’on pourrait bien ne plus l’être. Cette phrase devrait être une pratique de chaque réveil, de chaque nouvelle journée, de chaque saison verte qu’on entame. Rien n’est plus fort que la vie, mais rien n’est aussi précaire que notre présence en ce corps, en cette vie. Vous savez comme moi qu’on vit souvent comme si on avait toute la vie devant soi, et on l’a. Mais sous quelle forme, ça on ne le sait pas.

Comment anticiper l’avenir du vivant ? Librement. Car le vivant vit et change de forme et ne se laisse pas incarcérer ou cristalliser impunément. Nous devons croire à la révolution verte, la vraie, celle qui fait verdir la terre et non pas la tourner en poussière. Nous devons croire à la richesse pour tous, la vraie richesse dans la liberté. Les pays pauvres constituent le 3/4 de l’humanité, mais sont-ils vraiment les plus pauvres ? Quelle pauvreté de tout avoir et de ne pas connaître la générosité, de tout savoir et de ne rien comprendre...

Il y a bien eu quelques surprises. Chaque printemps est une variation sur un thème. Heureusement que les plantes savent quand sortir au grand jour. Elles ne se laissent pas séduire par les quelques journées de grosse chaleur d’avril, sentant que mai nous réserve encore des nuits glaciales et autres épreuves. Si elles sortent, elles demeurent basses, lovées tout contre la terre, prudentes. Il ne faut pas se décourager, ni tailler trop vite les vivaces qui ont l’air de n’avoir pas survécu. Il est encore tellement tôt. Il faut faire confiance à l’avenir et le laisser être à-venir.

Quand revient le printemps, la plupart d’entre nous explorons des hauts et des bas en succession rapide, des angles aigus à négocier à chaque virement de cap, des émotions qui refluent et remuent tout sur leur passage... Des jours de peine et des jours de lumière, souvent sans que les circonstances extérieures ne puissent expliquer raisonnablement ni les uns ni les autres... Des moments où l’on a du mal à voir le bout des tunnels, où l’on en oublie presque les éclaircies, où la tâche semble trop lourde et où, comme le disait mon ami Pierre Domingue, la terre est franchement trop basse... Des jours de renouveau d’énergie, où les fleurs printanières nous font de l’œil, où les sourires de nos proches nous raniment, où l’espoir et la confiance en la vie nous réconcilient avec l’étape... Et avec nous-mêmes.

C’est qu’en toute chose, il faut mettre tellement de conscience, presque plus qu’on en a en réserve. Les listes de choses à faire s’allongent irrémédiablement, beaucoup plus vite que les heures d’ensoleillement. Il faut s’organiser ou l’on est vite dépassé. Il faut s’allier le temps, sinon il se déguise rapidement en générateur d’empêchements. La nature nous indique ce qu’il est temps de faire et c’est incontestable. Seule la température peut en décider autrement. Tout est à faire en même temps, au printemps, dans nos climats nordiques. L’heure espérée où l’on pourra impunément paresser dans un hamac en écoutant pousser sagement un jardin impeccable et chanter des oiseaux qui ne croassent pas en jetant toutes les graines des mangeoires dans les plates-bandes qu’on vient de nettoyer, n’a pas encore sonné. Et sonnera-t-elle un jour, cette heure magique ? Durera-t-elle plus longtemps que l’éclat d’une rose ?

Nous avons envie de faire peau neuve, de sentir l’élan bourgeonnant, de nous redonner un point de départ? Et pourquoi pas? Émuler la nature ne nous vient-il pas naturellement? Alors, offrons-nous une petite cure de printemps. Concoctons-nous des salades de pissenlit, d’oseille, de mauve et de violette. Savourons les petites feuilles de nos jeunes épinards, saupoudrés de ciboulette. Faisons-nous des tisanes de mélisse naissante, de feuilles de myrrhe odorante si semblables à de douces fougères, de pensée sauvage et de pousses de toutes sortes. Une bonne soupe à l’ortie nous reconstituera. Les asperges nous rapprocheront du règne minéral par leurs constituants, pas par leur consistance car elles sont tendres comme le petit vert qui s’accroche aux arbres comme un voile soyeux.

Nous arriverons à la Saint-Jean en même temps que tout le monde et saurons célébrer ce joyeux festival malgré la fatigue et même, osons le dire, grâce à elle. Elle nous propulsera vers le plus haut, le plus grand, le plus vrai de notre potentiel d’humain en démarche. La graine ne peut pas retenir la substance qui, s’inspirant de sa mémoire vivifiée par l’hiver, lui offre les moyens de se réaliser et de monter vers la lumière. De tout notre être, nous aspirons à la douceur irrésistible d’un fugace été, toujours trop court pour l’explorer à satiété. L’été spirituel qui nous appelle est de bien plus loin et de bien plus conscient. En attendant, souhaitons-nous des brassées de fleurs, des joies simples et vraies, des feux d’artifices dans le cœur et des amitiés partagées.

Avril 2011
Avoir offert à mes chevaux le paradis... avant la fin de leurs jours...
par Danièle Laberge
Herboriste traditionnelle

Neige de Mai et Gaïa juste avant leur départ
Depuis des mois, les chevaux étaient au cœur de mes préoccupations quotidiennes. Je passais beaucoup d’heures avec mes deux juments Belges, plus encore qu’à l’accoutumé, car je savais que mon temps avec elles était compté. Avec la fermeture de l’Armoire aux Herbes, il me fallait bien laisser aller ce qui a constitué ma ferme depuis si longtemps. Ça ne s’est pas fait sans peine, sans deuils considérables. Depuis lors, ici, ça roule tout doucement. Chaque jour apporte ses détachements.

Les premiers arrivés parmi les animaux de ma ferme ont été les derniers à quitter. Neige de Mai (14 ans) et sa fille Gaïa (6 ans), toutes deux nées ici, sont parties il y a quelques semaines. J’ai du mal à m’y faire. Je les cherche continuellement du regard. Je fais des grands détours pour ne pas passer devant l’étable.

Je m’ennuie d’elles et de leur force courageuse. Je m’ennuie surtout de l’idée que je n’aurai plus de chevaux dans cette vie-ci ; que cette merveilleuse aventure du partage quotidien avec eux, s’achève. Oh! Je sais. Je m’y ferai. Mais pour l’instant, c’est encore un peu à vif. Et pourtant, je sais que c’est dans le grand plan pour ma vie. Je consens. J’adhère.

Mais l’horizon, sans que s’y dessinent leurs formes aimées me semble privé d’une grande partie de sa magie. Je réalise que je les verrai et les sentirai encore longtemps, dans l’éthérique des petits matins, si harmonieusement unies au paysage qu’elles aimèrent tant, qu’elles méditaient si religieusement. Je sentirai toute ma vie leur présence sur cette terre qu’elles ont vivifiée, et avant elles, leurs parents, que nous avons enterrés en pleurant au fil de leurs départs, et qui reposent là où des arbres ont trouvé sustenance à même leurs corps.

Je crois que j’ai trouvé un bon endroit où Neige et Gaïa pourront continuer leur route, n’ayant plus les moyens de les garder moi-même. Je fais confiance en la sagesse de l’univers. J’ai donné à leur nouveau maître du magnifique foin biologique pour finir la saison, les algues, les minéraux, et assez de tonique à l’ail pour toute une année. Mes chevaux en recevaient chaque jour. Grâce à cela, ils n’ont jamais eu besoin de ces affreux vermifuges que donnent les vétérinaires aux chevaux. Ma sœur Hélène a aussi préparé pour elles un bon pot d’un composé d’élixirs de fleurs qui du temps de l’Armoire, s’appelait l’Eau Secours. Je leur en ai donné quelques jours avant leur départ (J’en ai pris aussi !) et davantage le matin de leur voyage. Fallait m’entendre expliquer ce produit en termes simples et non éclatés, sans avoir l’air d’être trop à cheval sur les principes, à cet homme simple du terroir, grand amoureux de chevaux, qui allait partir avec mes deux superbes trésors. Il m’a gentiment invité à venir les visiter, sensible à ma peine ... mais je ne crois pas que je pourrai... Je préfère les aimer de loin... Le soir même de leur départ, je recevais un courriel m’assurant qu’elles avaient bien vécu le voyage, qu’elles étaient paisibles, toutes deux dans leur propre entre-deux. Un baume !

Une chose devint tout de suite claire, quand j’ai commencé à penser à les laisser partir ailleurs. Il fallait qu’elles partent ensemble. Absolument. Tout serait acceptable si elles demeuraient ensemble. La veille de leur départ, après avoir démêlé leur crinière et les avoir brossées vigoureusement partout afin de faire partir le touffu poil d’hiver, nous les avons photographiées une dernière fois. Frédéric a pris les photos, moi je ne pouvais pas. J’en ai tellement prises au fil des ans, dans des moments d’extase, à tous les âges, depuis leur naissance, sous tous les temps, dans les tempêtes, en toutes saisons. Fred en a pris une formidable qui est maintenant sur mon fond d’écran, et où elles me confirment qu’il ne fallait surtout pas les séparer. Cette photo me touche tellement, l’amour qui existe entre elles deux est si poignant, si évident. C’est celle qui accompagne cet article.

Que de fois les chevaux m’ont-ils donné des ailes ! « Le cheval est pour l’homme comme les ailes pour l’oiseau. » (Proverbe Turkmène)

Le cheval domestique fonctionne dans le monde des SENS et de la PERCEPTION. Bien avant d’avoir vu la personne qu’il aime, le cheval a perçu son arrivée imminente et manifeste son contentement. J’ouvrais la porte de la maison ou de l’auto et si les chevaux étaient près, ils me faisaient entendre leur hennissement de reconnaissance. À chaque fois, la joie me montait au cœur, la joie de savoir qu’on compte pour « quelqu’un ».

Un cheval, c’est un être si profondément sensible et impressionnable. Tu en touches un bout et il le sent partout. Tu peux voir les vagues de sensations qui font comme des ronds dans l’eau. Il n’oublie pas ce qu’il a vécu. Il est sujet à des peurs intenses, à des bonheurs intenses. Je sentais ce bonheur qu’ils exprimaient quand, lors d’un atelier dans les jardins avec des personnes de conscience, ils venaient courir juste à côté de la yourte où nous nous rassemblions pour apprendre. Ils tambourinaient la terre et scandaient leur approbation, se rappelant à nous de manière indéniable. « Très loin, au plus profond du secret de notre âme, le cheval caracole... un cheval, le cheval ! Symbole de force déferlante, de la puissance du mouvement, de l’action. » (David Hébert Lawrence)

Mes deux chats, tout comme moi, s’ennuient des chevaux, maintenant qu’ils sont partis. Les chats et les chevaux font bon ménage. Si souvent, je voyais mes deux minous dans les mangeoires des chevaux, se frottant contre leurs grosses têtes, s’imprégnant de l’odeur musquée, acceptant de la laisser pénétrer leurs poils sans pour autant tenter de la faire disparaître en se léchant, tout comme s’il s’agissait de l’odeur de la cataire, de la myrrhe odorante ou d’autres plantes parfumées à leur goût. Depuis le départ des chevaux, les chats reviennent de l’écurie et je sais qu’ils sont allés chercher en vain ce qui leur fut si bénéfique, essentiel même, tout au long de leur vie. N’est-il pas étrange de penser au violon ce fascinant instrument qui titille les oreilles humaines par le frottement sur les boyaux d’un chat, d’un crin prélevé sur la queue d’un cheval ...

L’été dernier, j’ai pu, une fois encore, ressentir intensément la réalité sensible du cheval et entrer dans son monde de perception. J’ai appris la prudence du cheval et sa faculté de fuir le danger perçu. Neige de Mai est revenue à l’étable un matin avec une petite plaie qui saignait juste au-dessus de son sabot. Rien de grave. On la soigna. Mais nous nous rendions compte que ni elle, ni sa fille ne s’aventuraient dans le pâturage. En fait, elles ne voulaient carrément plus sortir de la grange, même la nuit, leur temps préféré pour être dehors, surtout au temps des mouches estivales. Comme cette situation inusitée se prolongeait, nous avions bien essayé de les attirer au-dehors avec de l’avoine. Elles sortaient brièvement. La plus jeune voulait s’engager plus loin, mais sa mère la rappelait à elle d’un hennissement sans équivoque et elles se hâtaient de se réfugier à nouveau à l’intérieur. Comme l’écrivait George Hébert : « Vous pouvez conduire un cheval à la rivière, mais il boira quand et ce qui lui plaira. » Cela prit plusieurs semaines avant que, l’automne arrivant, les hautes herbes des champs perdant leur impénétrabilité, elles retournent se régaler de plantes sauvages et retrouver leurs habitudes joyeuses d’animaux qui en ont grand pour vivre. Un petit animal avait sans nul doute profité du couvert de plantes pour se faufiler jusqu’à elles et avait mordu Neige. Elle n’allait pas permettre que ça se reproduise.

Ce fonctionnement « animal » fondé sur les sens et la perception du monde alentours est accessible aux humains. Comprendre et « parler ce langage non verbal » permet de nouer une relation vivante, dynamique et épanouissante pour le cheval et pour l’homme. Comprendre le langage du cheval permet de mieux y répondre, en respect de sa nature et de sa vérité. Le cheval à qui il n’est pas demandé d’être autre chose qu’un cheval, vit alors en équilibre avec son environnement, ses besoins sont anticipés. Éventuellement, une extraordinaire complicité s’établit, avec au cœur de sa permanence, un respect absolu de la sagesse mutuelle et du support inconditionnel.

Le premier être vivant avec qui j’ai expérimenté le pouvoir de guérison des plantes fut un cheval, il y a plus de quarante ans. Queen Ann s’était faite piquer à l’œil par des abeilles dont le rucher avait été renversé lors d’un bris de clôture. Je me revois encore, paniquée car elle était sur le point de mettre bas et j’avais peur qu’elle n’entre en état de choc, étant donné son extrême inconfort. Son œil avait gonflé et s’était complètement refermé sous l’œdème. Je l’ai menée à l’écurie, attachée à sa mangeoire. Jeune fermière, j’étais seule ce jour-là sur la ferme. Un dimanche. Pas de vétérinaire disponible. Quoi faire ? Survint alors l’appel pressant, millénaire, du plantain poussant à l’entrée du garage accolé à la maison d’où j’avais tenté en vain mes appels au secours. La re-connaissance. Tu étudies les plantes curatives depuis des années. Qu’attends-tu pour appliquer ? Du plantain frais et de l’eau dans le mélangeur, un jus bien vert et de la pulpe fibreuse. Une seringue pour arroser la dinde, remplie du jus de plante, un linge de coton sur lequel j’avais vite assemblé la pulpe humide pour en faire un gros cataplasme. Vite, vite, à l’écurie ! Ma belle jument ne se possédait plus. Elle se frottait sur le bois de la mangeoire, sans doute pour tenter de déloger le ou les dards qui la brûlaient. Je grimpe dans la mangeoire pour me mettre à son niveau. Je rince l’œil, que j’entrouvre tant bien que mal, avec le jus vert. J’en arrose le cataplasme et j’applique ce dernier sur l’œil de Queen Ann, fébrile. Je valse pour le maintenir bien en place alors qu’elle s’agite encore. Puis, très rapidement, le répit, le soulagement. Elle s’apaise, pousse son œil contre ma main tenant le cataplasme, comme pour mieux établir le contact. Moment de grâce. Quelques minutes plus tard, je retire le cataplasme juste pour voir. Merveille ! L’œil a déjà dégonflé. Si vite ! Je n’en crois pas mes yeux. Ce jour-là, grâce à cet épisode avec un cheval, je deviens dans mon cœur une herboriste convaincue. Je le suis depuis. « Un moustique peut piquer et faire se cabrer un cheval, mais l’un demeure un insecte et l’autre est toujours un cheval.» (Jules Renard)
Qu’ils ont de la chance, les chevaux qui vivent sur une ferme à l’engagement biodynamique. Je crois profondément que l’amour qu’on porte à nos animaux guérissent les blessures de l’âme groupe si souvent blessée par l’indifférence, la distance, les mauvais traitements, le manque de conscience. « Faites du cheval un compagnon et non un esclave, vous verrez quel ami extraordinaire il est. » (Nuno Oliveira)

J’ai eu des chevaux depuis presque quarante ans. Quand nous sommes revenus du Michigan vers le Québec, au début des années 80, les chevaux sont venus avec nous. Ils ont commencé à créer ce qui deviendrait l’Armoire aux Herbes dès le premier jour de leur arrivée, broutant, fertilisant, rythmant la vie quotidienne. J’ai toujours eu l’impression que je leur devais plus qu’à quiconque la réalisation de mes rêves ici. Sans eux, la terre ne serait pas devenue ce qu’elle est, les plantes médicinales n’auraient jamais eu un tel pouvoir et une telle qualité. Je crois que tout débute avec les bêtes, quand il s’agit de projets agricoles. Commen-cer ailleurs, par des constructions d’affaires, des infrastructures de transformation, etc. n’est pas dans l’ordre naturel des choses. Ça devrait venir plus tard. Entretemps, que les bêtes préparent le terrain!

Soigner les chevaux est quelque chose d’extraordinaire. Ils apprécient tellement. Ils se hâtent d’avoir des résultats pour nous si-gnifier leur collaboration. Avec la mère de Neige, Mimosa, la reine incontestée de la famille et qui est décédée il y a deux ans, j’en ai appris des choses ! S’occuper d’un cheval malade et vieillissant, en ayant décidé de le laisser partir à son heure, peut être très exigeant. Mimosa avait de sérieux problèmes pulmonaires. Par moments, elle me montrait clairement qu’elle avait besoin d’aide, en tirant très fortement l’air par ses narines. « Apprenez à écouter ce que votre cheval murmure à votre oreille. » (Elisabeth de Corbigny) Je lui préparais alors un nouveau mélange de teintures-mères de plantes, variant la composition afin qu’elle ne devienne pas indifférente à une formule prise depuis trop longtemps. Quelques jours plus tard, le répit s’annonçait. Ça faisait bien des années qu’à l’entrée de l’hiver, je me disais que ce serait un miracle qu’elle se rende au printemps. Et pourtant, elle persévérait. Elle était heureuse d’être en vie, d’être ici, de partager ces merveilles avec sa petite famille, d’être respectée. Quand son heure est finalement arrivée, elle nous a fait vivre quelque chose de grandiose. Ce matin là, Méo qui nettoyait la grange, est venu me chercher en catastrophe, car Mimosa était tombée dans l’étable et n’arrivait plus à se relever. Le temps que je me rende à son côté et que je donne la consigne d’appeler la charmante vétérinaire qui la connaissait bien, elle avait effectué un sacrifice étonnant. Elle s’était tirée de peine et de misère par terre hors de la bâtisse, sur une distance considérable et nous attendait dehors, au soleil du matin. Nous sommes demeurés avec elle jusqu’à son dernier souffle, qu’elle prit juste avant que n’arrive Claudia, la vétérinaire. Mimosa nous regardait intensément dans les yeux, sans peurs, sans résistances, avec amour. « Je vois parfois dans le regard d’un cheval la beauté inhumaine d’un monde d’avant le passage des hommes. » (Bartabas)

J’ai su alors la joie d’avoir offert à mes chevaux le paradis... avant la fin de leurs jours...

Je savais déjà que les abeilles faisaient tout en leur pouvoir pour aller mourir hors de la ruche afin de ne pas créer davantage de travail pour leurs sœurs. Mimosa, comme elles, nous avait rendu la tâche de disposer de son grand corps, tellement plus facile que s’il avait fallu la sortir de l’étable... Quelle grâce !

« Je veux connaître la force qui anime chaque élément dans l’ensemble du monde, et qui fait que cet élément recherche les autres d’après la loi qui est en lui ... » (Goethe)

Lever de soleil sur l'étang
Mars 2011
Un engagement fervent
Par Danièle Laberge
Herboriste traditionnelle


Le jardinage, comme toute autre forme d’agriculture, est une activité où l’être humain choisit d’établir certaines plantes en en sacrifiant d’autres et tente, tant bien que mal, d’imiter le grand art horticole de la Nature. Il s’agit là d’un travail remarquable et considérable. Les résultats sont souvent spectaculaires et la mise en lumière des espèces choisies nous permet de les admirer sans distractions, de les voir se développer dans toute leur splendeur, de les récolter unilatéralement sans devoir les arracher à l’ensemble, sans devoir séparer le bon grain de l’ivraie. Ce n’est pas un travail gratuit. Il exige une vision et beaucoup, beaucoup de désherbage au quotidien.

Étymologiquement, une plante qui s'ajoute à un peuplement végétal (flore indigène) auquel elle est initialement étrangère est une plante adventice (lat. adventicium, supplémentaire). C’est à se demander qui sont les adventices dans nos jardins ! La grande majorité des plantes du potager, des plantes ornementales et même de nombreuses plantes médicinales ne pousseraient pas naturellement dans notre environnement. Alors que l’achillée et le pissenlit…

Fort étrange ! On pense vraiment, en nombrils du monde que nous pensons être, que les plantes sont assujetties à nos intérêts et à nos besoins d’humains… Autrement dit, les adventices sont des plantes qui, arbitrairement, selon la vision qu’on a de nos projets agricoles ou ornementaux, nous dérangent et dont on voudrait bien se débarrasser… Des plantes herbacées ou ligneuses qu’on juge indésirables à l'endroit où elles se trouvent. Le terme adventice est donc, en agronomie, utilisé comme synonyme de « mauvaises » herbes.

Dans le cadre de la production agricole, les adventices peuvent être des espèces non cultivées installées dans un champ, mais aussi les repousses d'une culture précédente. Elles peuvent être des plantes vivaces, qui se reproduisent de façon végétative, ou bien qui restent en place plusieurs années : chiendent, laiteron des champs, liseron, tussilage, chardon... Elles peuvent aussi être des plantes annuelles qui se reproduisent par graine, avec fréquemment un fort potentiel de reproduction : amarante, coquelicot, chénopode, folle avoine, stellaire...

Les semences des adventices se caractérisent par une grande longévité, liée à une résistance à la dessiccation ou l'asphyxie lors d'un enfouissement profond, grâce à leur tégument plus ou moins imperméable à l'eau et à l'air. Elles se retrouvent en abondance dans le sol, de l'ordre de 20 à 400 millions par hectare sur 10 à 15 cm de profondeur, dont 5 à 10 % représenterait la flore de surface.

Pas faciles à éliminer. On a beau cultiver et biner, on en ramène toujours de nouvelles à la surface. Les gels et dégels en font aussi remonter des multitudes. Et au fur et à mesure de la transformation des sols, les adventices qui prennent la place changent. À croire que la bataille est pratiquement perdue d’avance… Si bataille il y a. Beaucoup de temps, d’énergie et de sous iront à les garder sous tutelle, et ce à chaque nouvelle saison agricole.

Mais sont-elles vraiment nuisibles. On y croit dur comme fer. Elles seraient en concurrence à l'égard de l'ensoleillement, de l'eau ou des matières nutritives. Les adventices prélèveraient leur alimentation au détriment des cultures. Elles déprécieraient les récoltes par la présence de fragments diminuant la qualité de la production, ou de graines d'adventices susceptibles de provoquer un mauvais goût ou d'induire un effet toxique. Dans l'ensilage ou la récolte en sec d'herbage, la présence de renoncules, de prêles, de fougères, pourrait provoquer des accidents, alors qu'elles ne sont pas consommées en vert par les animaux. Le ramassage pourrait s’avérer plus difficile par le bourrage des machines. La présence de graminées adventices pourrait favoriser la verse des céréales et ainsi affecter la mise en œuvre de la récolte. Le développement des ravageurs et des maladies pourrait être favorisé par le microclimat créé par des adventices envahissantes, ou par leur rôle de réservoir ou de plantes relais pour les virus, les bactéries, les champignons, les acariens ou les insectes.

Elles pourraient aussi assurer une meilleure diversité au fourrage et améliorer la santé animale, aider à équilibrer les sols que nous dérangeons sans cesse par nos interventions massives, soigner nos familles, etc. Mais on aime les haïr… On aime imaginer qu’on en viendra à bout, à grands renforts d’herbicides et de produits chimiques contestés. Ce faisant, on contamine les eaux de surface aussi bien que les eaux souterraines, on empoisonne le vivant. Et les adventices, ces plantes immunes par excellences, s’adaptent et prolifèrent de nouveau, ayant acquis une plus grande résistance.

Et que dire des espèces envahissantes, les plus tenaces et les plus excessives dans leur colonisation des espaces. On considère qu’elles deviennent des agents de perturbation nuisibles à la biodiversité autochtone des écosystèmes naturels ou semi naturels parmi lesquels elles se sont établies. Les phénomènes d'invasion biologique sont aujourd'hui considérés par l'ONU comme une des grandes causes de régression de la biodiversité, avec la pollution, la fragmentation écologique des écosystèmes et l'ensemble constitué par la chasse, la pêche et la surexploitation de certaines espèces. Je n’en crois rien. Le merveilleux livre de Timothy Lee Scott « Invasive plant medicine – The ecological benefits and healing abilities of invasives », que je vous encourage à lire si l’anglais vous est familier, fourmille d’informations pertinentes offrant une vision grandiose du pourquoi de ces plantes sur terre.

J’avoue que pour ma part, j’ai passé les quarante dernières années de ma vie à sélectionner des élues, à les partir à la graine, à les établir, à les aider incessamment à dominer les plantes indigènes. Que de binettes usées à la corde, d’heures de travail des jardiniers, de montagnes de paillis dans les allées, de remorques débordantes de plantes à composter, de choix pas toujours faciles à faire. Qui a envie de désherber de magnifiques pensées sauvages, des jeunes plantes médicinales estimées, des mauves si fragiles à partir en serre, etc. Éclaircir les plants aussi demande un investissement pour que les plantes choisies se développent de façon splendide et procurent des semences de choix.

La récompense d’un tel travail est indicible : la chance d’être aux premières loges, de les apprendre et de les connaître au fil des ans et des multiples interventions, des bons soins et parfois même, des soins palliatifs. La récompense, c’est aussi la découverte de l’absolue ténacité de la vie. « La ténacité, c’est la vie elle-même. La vie qui se transforme…pour vivre. La vie qui laisse mourir les formes… pour vivre. » (Gaïa) La récompense, c’est la certitude d’en arriver à savoir comment emprunter à la terre ses multiples trésors sans pour autant la léser. En toute fidélité. Ne pas jamais piller la planète au bénéfice d’une minorité, si démunie, si souffrante, si méritante soit-elle.

D’autre part, l’incessant travail du sol, la production d’un excellent compost, l’application de préparats biodynamiques, l’établissement d’engrais verts pour vaincre certaines plantes par la pousse concentrée de certaines autres plantes, la hausse graduelle de la fertilité, l’incitation à la biodiversité, tout contribue à changer les conditions d’évolution des plantes, des insectes et des espèces animales sauvages, à faire se transformer l’écosystème. L’évolution des sols (ou leur involution) produit la succession des plantes. Les systèmes écologiques sont continuellement en changement et nous contribuons indéniablement à ce changement. L’être humain transporte des graines depuis le début de ses migrations. Maïs, haricots, courges, tournesol, tabac, blé, orge, lin, etc. se sont propagés grâce à nous. Sans assistance humaine, la plus grande distance de dispersion de graines serait de 15,000 milles, alors qu’avec l’aide de l’humain, elles peuvent faire plusieurs fois le tour de la planète.

De plus, les plantes sont très affectées par les changements climatiques. Plus les plantes se méritent le qualificatif d’opportunistes, plus elles ont de facilité à s’adapter aux changements environnementaux et atmosphériques créés par les humains (excès de dioxyde de carbone, acidification des milieux, augmentation de la température, etc.). Des espèces disparaissent (de notre environnement immédiat), d’autres se déplacent, d’autres s’adaptent tout simplement. Est-ce dangereux ? Est-ce un mal ? On crée des politiques basées sur des opinions et des observations qui demeurent anecdotiques dans la vision globale. Et on oublie facilement que 98% des plantes alimentaires en Amérique sont des étrangères, des exotiques, elles dont on fait des monocultures invasives, tout en blâmant les plantes indigènes de leur entêtement à réclamer leur territoire, leur droit d’ainesse. Et les départements d’agriculture font des gaffes monumentales, comme lorsqu’ils décidèrent de corriger les problèmes d’érosion aux Etats-Unis du sud en payant 8$ de l’âcre à qui planterait du kudzu dans ses champs… Les pauvres habitants crevaient de misère. La terre était devenue inapte à la culture. Ils se sont jetés sur l’occasion. Il aurait mieux valu leur demander de faire du compost. La terre n’aimant jamais être à découvert, a développé le kudzu à la folie, créant un effet château de la belle au bois dormant, un répit de quelques milliers d’années n’étant rien à ses yeux pour se refaire une fertilité.

Dans nos jardins, comme sur les vastes territoires de notre planète, les plantes sont en mouvement. Elles sont dans l’action et se déplacent sans cesse. Elles le sont depuis le mûrissement des premières graines, il y a environ 700 millions d’années. Les plantes ont un rôle vital à jouer. Elles constituent les baromètres de la santé et du statut d’un environnement. Il leur revient de maintenir des conditions optimales pour toutes les espèces vivantes. On comprendra bien qu’il n’existe pas de plantes bonnes et de plantes mauvaises. Il n’y a que des opinions sur leur pertinence d’exister à un endroit spécifique. Chaque espèce de plante représente un individu servant à sa façon la terre en accumulant de l’énergie provenant du sol et du soleil, en la transformant et en la rendant éventuellement disponible pour usage ultérieur par les autres membres de la communauté. Certaines plantes préparent le chemin pour d’autres (ex : après dévastation) qui reviendront plus tard. D’autres plantes, comme la racine d’asarum, peuvent hiberner sous terre pendant des années si les conditions ne sont pas …encore… favorables. Elles ont la patience du processus.

On appelle les plantes qui dérangent nos plans les « mauvaises herbes ». On les voit comme un problème à régler. Quelle vision étriquée et unilatérale. Plus elles sont fortes, plus elles sont guérissantes pour la terre, plus on a tendance à les considérer endémiques, dans un manque flagrant de perspective globale de la biodiversité. On s’en fait des ennemies jurées. On les accuse de mille maux. Elles perturbent nos petits et grands projets économiques. Parce que les plantes ne peuvent pas se lever et bouger, elles émigrent en mourant dans une location et en se déplaçant vers une autre, avec des expressions sporadiques à travers l’environnement jusqu’à ce qu’elles localisent une place avec un certain niveau de stabilité. Les plantes sont peut-être tout simplement en train de réclamer la terre ancestrale où elles ont vécu il y a de cela quelques millénaires. Pas facile d’imaginer des millénaires alors que notre espérance de vie se compte en décennies.

Je suis assez fière d’avoir contribué à répandre des échappées de culture dans mon coin de pays. Il importe de supporter la biodiversité, cette richesse inestimable, par tous les moyens possible. Plus les écosystèmes sont variés, plus règnent la santé et l’équilibre. La biodiversité contribue à la fertilité des sols, à la pollinisation, à la lutte contre les prédateurs, etc. La biodiversité rend les systèmes écologiques plus résistants et moins faciles à perturber. Elle est aussi un facteur important de productivité. Mon impact est à échelle humaine. Il ne crée pas un écosystème traumatisé.

Mais alors ? Est-ce que la salicaire n’est pas en train de nous envahir (en passant, elle est adorée des abeilles et peut en herboristerie remplacer la fragile euphraise), et la grande berce (irritante pour la peau de certaines personnes, mais ne sommes-nous pas capables de nous couvrir pour nous protéger, comme on le fait avec l’herbe à puces), et… Des plantes dommageables pour l’humain ? Il y en a si peu et si on les connaît, on peut très bien s’harmoniser avec elles. C’est rassurant de connaître les plantes autour de nous. Les adventices ont le droit d’être là. « Toutes les créatures vivantes ont le droit de s’engager dans la lutte pour leur survie. » (L.H. Bailey)

Malgré les affirmations à cet effet, les listes noires de plantes envahissantes et les « Watch lists » de plantes pouvant causer des dommages, à long terme, on ne peut prouver à peu près aucune disparition de plantes par l’envahissement d’autres plantes. Alors que par les actions humaines, coupes à blanc, barrages, mines, pluies acidifiées, pollution de toutes les ressources naturelles, sol altéré, eau toxique, smog dans l’air, c’est autre chose. Les plantes sont les victimes directes de ces traumatismes et pas de la compétition avec d’autres plantes. Nous projetons sur le monde des plantes notre propre nature compétitive. Selon Jacques Tassin, les invasions biologiques sont un peu facilement implicitement accusées « d’appauvrir les milieux naturels, alors qu'elles ne sont souvent que les révélatrices de dégradations liées à l’Homme ».

Plantes invasives ou envahissantes ? Ou alors opportunistes et susceptibles d’être utilisées pour leur extraordinaire assistance ? La plupart de ces plantes ont des propriétés médicinales insoupçonnées, que ce soit pour la terre, pour les autres plantes, pour l’animal ou pour l’humain. Opportunistes et soignantes : quelle merveille ! Penser qu’on dépense des milliards de dollars annuellement pour les détruire. Sont-elles un danger réel ou inventé, pas par mauvaise intention, mais par manque de vision globale et de perspective historique dégagée des égoïsmes économiques. Envahissantes, mais où ? Sur les listes, on retrouve les jacinthes d’eau. Pourtant, on a commencé à s’en servir en Floride pour nettoyer les zones de traitement des eaux usées. Ici, elles ne passent pas l’hiver. Pas très envahissantes…

Vous connaissez Masanobu Fukuoka, ce pionnier du « no-till ». Pas de désherbage, prône-t-il. Les mauvaises herbes sont utiles et ne menacent pas notre existence. Il me fait rêver d’un jardin de guérison avec un minimum d’intervention. On y trouverait de nombreuses plantes envahissantes. Des armoises, des ronciers odorants, des roses, des pissenlits, des bardanes, des eupatoires, des millepertuis, des patiences, des plantains, des chardons, des moutardes, des achillées, des orties, des pissenlits, des molènes, des mauves, des bleuets sauvages, des valérianes, des violettes, des reines des prés, des lobélies, des vinaigriers, des chicorées, des tussilages, des verges d’or, des chiendents, des marguerites, des trèfles rouges, des prêles, des fougères, du lierre terrestre, de la brunelle, et tellement d’autres. On n’aurait qu’à les reconnaître à l’émergence, à les dégager un peu, les fertiliser au besoin, les respecter et les apprécier. Sa propre petite amazonie.

Chère terre, je te rends la terre que tu m’avais confiée. Mon souhait le plus cher est d’avoir pu bien m’en occuper et d’avoir réussi, à petite échelle, à augmenter la fertilité, l’équilibre et la diversité de mon environnement immédiat. Ma vie change avec la fermeture de l’Armoire. Je me vois obligée de sortir du contrôle et d’entrer dans l’observation de ce qui est, par opposition à ce que je voulais à tout prix qui soit. La recherche de connaissance de soi ne devient réelle que lorsqu’elle n’est plus troublée par notre désir de nous trouver conforme à ce que nous croyons être ou à ce que nous aimerions être. Indéniablement et jusqu’à la fin de mes jours, je me sens liée aux plantes, toutes les plantes, par le cœur.

Je me suis délestée de beaucoup de choses. Cela ne me conduit pas à l’indigence du cœur, mais bien à me concentrer sur la chaude pulsation de la vie. Je suis en train de faire un pas pour sortir d’une vie orientée sur l’utilitaire. Je n’ai à peu près plus de plans. Je lisais ceci dernièrement : Si vous voulez faire rire Dieu, montrez-lui vos plans ! Je choisis « un espace infini où ma liberté respire ». (Maurice Zundel) Je suis remplie d’espoir. « L’espérance ne peut commencer que quand il n’y a plus rien à espérer. Elle ne peut venir que d’ailleurs. » (Michel Hubaut)

Et maintenant, que vais-je faire ? Ou plutôt, qu’est-ce que « Je » veut faire ?

Je veux sentir chaque jour davantage que la vie de la terre se prolonge dans ma propre vie. Je veux éclairer les phénomènes autrement. J’apprivoise maintenant les forces qui conduisent au chaos. Ce sont des forces d’essor. Des forces ressort. Je veux cultiver la certitude que tout sert : tous les déséquilibres, tous les dysfonctionnements, toutes les « mauvaises » herbes. Je veux entretenir la connaissance féconde, celle qui nous met en harmonie avec le monde, celle qui refuse les constructions irréelles et affronte la vraie réalité. Je veux contribuer à la vie active en y rapportant la transformation que j’ai subie en moi. Je veux m’appuyer sur un vaste patrimoine de souvenirs pour mieux réfléchir à la contexture du vivant. Je veux développer un niveau supérieur de vigilance et de cohérence, sachant bien que l’ordre et la cohérence de la nature sont le résultat d’une longue évolution et que la promptitude de l’attention est une faculté difficile à acquérir.

Je veux continuer à cotiser pour ma retraite… La vraie. Cotiser directement dans ma vie spirituelle. Je veux me ménager de plus en plus de plongées dans l’absolu et économiser incessamment des espaces de silence. Je sais bien que ce dont le monde a besoin, ce n’est pas de plus de paroles mais de plus de silence. Je veux une vie désencombrée, libérée de ce qui a constitué mes fulgurances comme mes limites.

« Quelle force nous arrachera à nos égoïsmes et à nos conservatismes, aux écheveaux entremêlés de nos intérêts et de nos habitudes invétérées ? Quelle force sinon un souffle spirituel porté par les grandes traditions du monde… » (Jean-Marie Pelt)

Je veux observer le vivant dans toutes ses infimes fluctuations et lui donner toute la place. La connaissance effective de la vie repose précisément sur l’observation des détails. Je veux développer cette faculté de penser de manière vivante, aussi vivante que les perceptions sensorielles. Je veux me donner quotidiennement la possibilité de percevoir dans la nature une présence spirituelle. Je ne veux rien de moins que la rigueur scientifique d’une contemplation connaissante, cette façon d’encourager tout ce qui rend notre penser et notre ressentir plus souple, plus malléable. Je veux être une écologiste, une herboriste spirituelle, car je sais bien qu’« un écologisme matérialiste et athée est une utopie irréalisable. » (Père Placide Deseille)

Je veux aimer davantage, avec toute la force de passion dont je suis capable, car c’est la tâche qui m’incombe de par ma place particulière dans cette vie sur terre. « Prenons les plantes. On n’atteint les êtres suprasensibles réels qui sont en relation avec elles que si on les aime. » (Steiner) J’aime l’idée de ne plus rechercher de récompense. J’aime beaucoup cette pensée: « Tout ce qui se fait par amour, loin de valoir une récompense, est une indemnité qui compense un bien déjà consommé. » (Steiner)

Je trouve tellement extraordinaire de faire partie de l’univers, de l’uni-vert des herboristes d’hier et d’aujourd’hui. De savoir que nous sommes réunis par une disposition du destin.

La terre m’a dit : Laisse-moi jardiner maintenant. Tu as ajouté des couleurs à mon canevas. Observe ce que j’en ferai. À ton arrivée ici, il n’y avait sur ce podzol du nord, que carex et marguerites, salix, framboisiers, prêles, bleuets sauvages et chiendent. Et maintenant, tu n’arrives plus à compter les espèces qui s’épanouissent, dans l’ordre qui est le leur.

Je me mets donc à l’école des adventices, celles que j’ai contribué à faire immigrer, et celles qui faisaient déjà partie de la banque de ressources innées. Ça me console… Je leur ai offert un territoire riche, vivant, fertile, dans lequel s’installer entre les plantes que j’ai cultivé ici pendant plus de 30 années. Je leur offre mon à-venir. J’ai maintenant besoin de marcher sans intention. La force nécessaire au reste de mon chemin me sera donnée à chaque jour. C’est dans le germe que la plante peut poursuivre son évolution. C’est en développant une vie de l’âme que nous développons notre propre germe. C’est un engagement fervent !



Novembre 2010

À l’aide, Mère courage!
Par Danièle Laberge
Herboriste traditionnelle


Je vous l’avoue, il m’arrive, ces derniers temps, d’avoir peur de l’hiver qui vient. Le dernier hiver fut témoin de plusieurs des grandes épreuves de ma vie, me conduisant à leur façon aux limites de moi-même et à la décision de fermer mon herboristerie chérie. Ce n’est que lorsqu’on accueille nos peurs sans jugement de valeur, qu’on mérite un accès au courage. La peur reconnue peut alors, grâce au courage, se métamorphoser et élargir les limites et le territoire disponible aux forces de vie.

Comme mon dernier article vous l’a humblement montré, la dernière saison verte a été plutôt pénible pour moi, le temps requis sans doute pour faire le deuil de mes jardins, de mon équipe, de mon herboristerie, sources de tellement de bonheur et de conscience. Comment serais-ce l’été prochain? Plus facile? Je n’en ai pas la moindre idée. Chaque jour qui passe m’apporte des réalisations et des découvertes. Je sais que tout est dans l’ordre divin et que la décision que je me suis vue obligée de prendre était la bonne. Le ciel a certainement d’autres plans pour le reste de ma vie, même si, pour l’instant, je ne sais pas trop où tout cela me mènera.

Vers la fin de l’été, mes yeux se sont ouverts, j’ai retrouvé des plantes amies dans les survivantes et les adventices envahissantes et j’ai commencé à distinguer leurs messages d’amour pour la planète, du moins lorsque se taisaient mes résistances. J’ai pu observer le travail de Gaïa, cette ultime jardinière qui sait certainement beaucoup mieux que moi ce dont la terre d’ici a besoin pour continuer à rendre son service… autrement. Je me suis détachée et allégée. J’ai eu le temps d’être et tellement moins à faire.

L’automne a continué de m’apaiser. Que j’aime ce temps de l’année, son silence, le retour au cœur de soi qu’il favorise! Depuis si longtemps, dans mon Armoire, c’était le temps des demandes accrues des clients, des recrudescences de malaises saisonniers, des appels au secours, des urgences. C’est tellement plus lent cette année. Nous écoulons tout doucement les produits qui nous restent avec le même amour qu’avant. Avant la date prévue de fermeture, il me reste quelques projets importants à réaliser :

- M’assurer de trouver un nouveau foyer pour mes deux juments belges que j’aime tant. Je les donnerai avec joie à qui aura envie de les faire participer à un projet agricole et manifestera l’attitude juste envers elles.

- Offrir les semences spéciales que j’ai assemblées, aussi bien de plantes médicinales, culinaires qu’horticoles, celles-là même qui sont devenues au fil des ans les grandes favorites des jardins de l’Armoire aux Herbes.

- Compléter un document qui s’intitulera sans doute Le Testament de l’Armoire aux Herbes, dans lequel nous partagerons toutes nos recettes, en détails, toutes nos procédures de récoltes, séchage et fabrication pour les nombreux produits qui ont tissé notre réputation et fait leurs preuves pendant une trentaine d’années. Une façon pour nous d’assurer la continuité d’une approche qui mérite de vivre encore longtemps. Grâce à ce compendium, de nombreuses personnes pourront bénéficier de nos expériences, soit en faisant leurs propres produits ou en supportant des herboristes qui les fabriquerons en région, et les rendront directement disponibles aux clients et thérapeutes dans leur région, sans étalages dans les magasins, sans se taper la lente, lourde et coûteuse démarche gouvernementale. Ce document fera passer à la tradition le témoignage vivant et les trésors de l’Armoire aux Herbes. Nous vous laisserons savoir quand ce petit livre sera disponible. Nous y œuvrons maintenant.

À la fin mars, comme vous le savez, nous mettrons définitivement la clé dans la porte de l’Armoire aux Herbes, ce petit joyau d’herboristerie traditionnelle, avec la fierté du travail bien fait pendant trente merveilleuses années et la satisfaction d’avoir servi la conscience de notre mieux. Et ce sera le point final de ce chapitre.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Aujourd’hui, une fois encore, le paysage a blanchi, comme mes cheveux. Je suis là, plutôt sereine entre les moments imprévisibles de montées de peurs, attendant l’hiver. Après l’abondance de l’été, les émotions fortes, la nostalgie de ce qui fut, les affres du détachement, je me repose. Je prends le temps qu’il faut pour bien me sentir vivre et entendre ce qui veut vivre en moi et que j’ai retenu sous l’habillage séduisant du travail, de la mission. Même lorsque le pas ralentit, l’écoute profonde ne s’installe pas sur le champ. On peut toujours se trouver des choses à faire, des raisons pour ne pas porter attention à la petite voix qui parfois, lorsque c’est vraiment important, se fait si frêle. J’ai dû me taper deux otites et un tympan perforé, ainsi que l’impression de retourner en enfance, pour enfin accepter de plonger dans le grand silence, celui qui a de longues racines, qui vient du plus profond de soi. C’est qu’il y en a des couches et des couches de défenses et de peurs cachées.

Si on m’avait demandé il y a quelques temps : « As-tu des peurs à soigner? » J’aurais sans doute répondu : « Je ne crois pas. J’ai confiance. Peur de quoi? Mais non, voyons… Qui? Moi? Allons donc! J’ai déjà travaillé sur cela. Je me sens en sécurité. » Ah oui?

Et pourtant, la peur est si importante, si authentique, si révélatrice, quand on n’a pas peur d’en avoir peur au point de la renier. « La peur comporte un aspect d’incitation. L’éviter et éviter la confrontation avec elle nous fait stagner. » (Fritz Riemann)

Alors que nous en étions à préparer l’assemblée générale annuelle de l’Association de Biodynamie du Québec, je me suis entendue proposer comme thème sous-jacent à la rencontre :

« Ce qu’il faut de courage! »

J’avais l’impression qu’il s’agissait d’une constante cousue dans la plupart des échanges verbaux et épistoliers des derniers mois. Fréquemment, on me disait : « Je ne sais pas trop où je vais. Je ne vois pas clair. Je n’ai pas le courage d’avancer… » Quant à mon propre courage, alors là, j’avais beau l’appeler à la rescousse de mes journées… il brillait par son absence. Ah! Contacter le courage, quel défi! Au secours, élixirs de millepertuis, de mauve, de mélèze, de peuplier faux-tremble. À l’aide élixir de bourrache!

« Le courage naît de l’expérience de l’impuissance. » (Henning Köhler)

La peur vient nous chercher. La peur transformée conduit au courage. Elle se met au service d’une force plus grande qu’elle, le valeureux courage. Le courage de la vie. Le courage de l’amour. Le courage de sa destinée, le courage de ses convictions, le courage de marcher sa parole.

« Comme notre vie nous conduit toujours à des choses nouvelles, non familières, et que nous n’avons pas encore éprouvées, la peur nous accompagne constamment. Elle vient surtout à notre conscience aux étapes particulièrement importantes de notre évolution. Évolution, croissance et maturation ont manifestement beaucoup à voir avec la domination de la peur. » (Fritz Riemann)

Je n’aime pas trop le mot domination… Maîtrise me semble moins macho, plus … en-courageant…

La peur est avec nous depuis toujours. La peur du vide, de l’abandon, de ne pas réussir sa vie, de ne pas avoir la force de faire face à nos épreuves. La peur de souffrir, de la maladie, de la mort. Personne ne peut nous enlever nos peurs. Elles sont le fruit d’un long passé, le fruit aussi de notre éducation et de nos expériences passées. Heureusement, nous n’avons pas à confronter toutes nos peurs. Une à une, quand les peurs se présentent, nous pouvons les voir pour ce qu’elles sont, des tremplins, des révélatrices de limites à choisir d’étirer ou non.

La peur n’est pas une erreur, pas un défaut, pas une tache. Elle est un don sacré, une faculté précieuse de l’âme. Elle est une alliée, une porteuse de messages de son moi, une génératrice de forces de vie et une invitation au courage et au dépassement. Oh bien sûr, elle peut se dénaturer, se dégrader, nous parasiter, s’intensifier jusqu'à devenir une maladie. Mais ce n’est là qu’une déviation, pas une signature de son essence. La peur peut devenir notre ennemi, mais ce n’est pas son intention ni son rôle dans nos vies.

La pédagogie de l’encouragement est la plus sûre façon de désamorcer la peur maladive et de lui rendre sa vraie raison d’être qui est de nous guider et de nous vivifier, de nous connaître et de nous encadrer au service de notre mission. Lorsque la peur se présente, il importe de trouver son centre, ce point en soi qui est en paix et uni au divin de soi. C’est à partir de cet espace plus sécuritaire, plus chaleureux, de ce château intérieur, qu’on peut lui poser les vraies questions, laisser aller le sentiment d’impuissance ou de paralysie, comprendre le pourquoi de sa présence, profiter des forces qu’elle met en action et faire appel aux vertus qui peuvent nous aider à la métamorphoses sans la renier. C’est ainsi qu’on accède à la capacité de se rassurer soi-même et éventuellement d’en rassurer d’autres sur son chemin.

Oui. La recluse cogite et mijote. Quelle chance d’être en vie maintenant! Nous vivons au cœur d’une bien belle révolution, basée sur la révérence pour notre planète et menant à une manière de vivre de plus en plus saine et créative. Les efforts des pionniers commencent à se faire sentir, surtout si l’on a appris à lire entre les lignes et … sous… les nouvelles et l’actualité. Nous apprenons à vivre dans nos moyens, les vrais, pas les financiers/personnels, mais les moyens réels gérés par les ressources de notre terre. Ceci nous amène à nous renouveler, à penser hors de la boîte, à innover, à inventer. Nos choix ont un impact. Cela nous amène à valoriser le pouvoir des communautés, à éliminer les toxines, à honorer les délicats écosystèmes desquels nous sommes dépendants. Ces défis dépassent et transcendent les partis politiques et même les idéologies personnelles. Ils nous font réaliser que nous sommes tous ensemble dans ce processus. Et la beauté de tout ça, c’est que plus nous vivons verts, plus nous sommes heureux et en paix et mieux nous nous sentons.

C’est le temps de puiser l’inspiration et les forces pour se mettre ou remettre en marche, de se rendre compte qu’on n’est pas tout seul à avoir cette soif de plus de justesse dans sa vie et dans la société, et de plus de profondeur.



Août 2010

Silence requis, points de suspension et semence de laiteron 

Par Danièle Laberge

C’est dimanche matin. Je reviens du… jardin? Les larmes aux yeux. Une fois de plus. Combien de temps encore vais-je utiliser ce mot pour désigner ce qui ressemble déjà davantage à un champ, à un pacage? Comme à chaque visite, j’ai le cœur dévasté comme je perçois le jardin: envahi, étouffé, démesuré. Je me sens abandonnée par mon essence, désertée par mon âme, écartelée entre-deux états d’être, dépouillée. Ah! C’est difficile de laisser aller un passé qu’on a tant aimé, pour lequel on a tant travaillé, qui a tellement nourri notre âme. Mon Goetheanum brûle…

C’est un peu comme si je ne savais plus trop où trouver inspiration, guérison, élan. Mes forces sont étrangement limitées et je sais que c’est une grâce. Je me retranche. Je me cloître. Et je sens profondément que si je veux que ça passe sans camouflage, je dois vivre ce moment pleinement. Sans fuite. Sans palliatifs. Sans distractions. Sans prétendre être parvenue à un lâcher prise que je ne ressens que par moments, et surtout lorsque l’ampleur de ce qui devrait être déployé pour retrouver la beauté d’hier se dévoile dans son envergure. De toute manière, je n’ai pas la force qu’il en soit autrement.

Je n’ai absolument pas envie de parler, de méditer, de chanter, d’écouter de la musique, de lire, d’écrire, de préserver le potager, d’ouvrir mes courriels, de répondre au téléphone, de recevoir mes amis, même les plus discrets et les plus chers. Je me cache et moi, la sociable, la généreuse, la passionnée, je m’efface devant l’autre, celle qui ne sait plus trop où elle en est ni où elle va, celle qui, ayant toujours donné davantage que ce qu’elle avait à donner, jusqu’à l’épuisement même, sombre dans cette fatigue sans fond et s’offre un naufrage d’espoir. Ce passage, je le vis dans mon corps, dans mon cœur, dans mon mental, dans mon âme.

Je me sens comme une personne sans quête de sens, sans cause, ce que je n’ai jamais ressenti. Je vis le comble de la contraction. Oh! Je sais! Vous me direz… Ce ne sera pas un état permanent. Les causes demeurent même si le médium d’expression et d’exploration se transforme. Oh! Je sais! La beauté de la nature est encore et toujours là, m’attendant à chaque détour. Les plantes sont toujours là, même si ce ne sont plus les mêmes. Oh! Je sais! La fertilité continue d’œuvrer sur d’autres plans. Les jardins sont habités de mille êtres qui acceptent beaucoup mieux que moi le changement et y trouvent leur ressourcement. Je sais mais je ne le sens pas, en tous cas, pas encore.

L’été est à la fois court et interminable, tout comme les heures, tout comme les journées. On a eu un gel inusité au début du mois d’août et j’ai ressenti pour la première fois un immense détachement face aux conditions météorologiques puisque je n’avais pratiquement rien apprivoisé et que je ne portais plus la responsabilité de bien mener à terme la croissance des plantes devant servir à la guérison de tout ce merveilleux réseau. Je voudrais bien manifester davantage de grandeur d’âme, respirer au-dessus de ces émotions dont je vis l’écroulement et qui m’étranglent…

Je voudrais bien être autrement, davantage comme j’ai toujours su et crû être : positive, allumée, émerveillée, vibrante même dans les épreuves et distillant aussitôt les apprentissages cachés sous les difficultés. Mais non. Cette fois-ci, je chute. Et je m’en donne la permission. Je ne forcerai pas le retour de la lumière ou de la joie presque sur-naturelle qui embellissait tous mes instants. Je n’ai plus qu’une voie, celle de l’acceptation et surtout de l’offrande. Je n’ai plus qu’un espoir. Oh mon Dieu! Que ça serve, que ça serve…

Je me conforme à la sagesse et à l’intelligence de la vie, même si ça fait mal. Je donne pour l’instant à la recherche intérieure la priorité sur l’engagement social. Où vis-je, où vais-je? Dieu seul le sait… Pour ma part, je n’en cultive pas la moindre idée. L’avenir a perdu son attrait. Ne demeure que l’instant et la sagesse de l’insécurité. Au fond, qu’est-ce qu’un été dans toute une vie? Peut-être au fond est-ce l’été le plus important de toute ma vie. Celui de l’abandon, de l’imperfection, de l’épuration, de l’authenticité, du dénuement, de la semence du mystère. Celle de ne plus savoir quoi faire et du même coup, de n’avoir plus qu’à être, qu’à naître… À n’être qu’une poussière dans l’univers. Une graine de laiteron sur les ailes du vent. Un point de suspension.

P.S. : Et ne me dites surtout pas que je suis en dépression… J’exercerai ma liberté en ne laissant pas entrer cette forme-pensée dans ma réalité. En deuil, ça oui, je le suis! 
En initiation, définitivement! Et, comme le dit si bien l’affirmation qui m’accompagne chaque jour : Je me suis choisie! Et c’est ainsi…

P.S. : Une belle pensée lue il y a un moment pour accompagner ce partage… automnal en plein cœur de l’été : « Des obstacles apparemment insurmontables s’élèvent devant tous les réformateurs du monde, chaque fois que l’idée pure se heurte à l’inertie présente dans l’esprit humain et à la résistance dont font montre les pouvoirs retranchés. C’est une révolution du dynamique contre le statique, des valeurs les plus élevées contre des pseudo-valeurs, de la liberté contre l’esclavage, et cela ne se limite pas à un seul moment de l’histoire, ni même à l’histoire de l’humanité prise dans son entier, cela se produit dans la vie de chaque individu! » (Edmond Bordeaux Szekely, L’enseignement des Esséniens)

P.S. : …